Le livre du cercle
positions s’étaient inversées. Désormais,
il ne faudrait plus longtemps pour écraser le reste de la horde.
Et
quand ce serait fait, Qutuz pourrait porter son attention sur ce qui comptait
vraiment.
Chapitre 2
Porte Saint-Martin,
Paris
3 septembre 1260
après J.-C.
Le
jeune clerc courait à perdre haleine depuis qu’il avait franchi la porte
Saint-Martin. Ses pieds dérapaient sur le sol couvert de flaques d’eau et de
fumier. Il glissa, se rattrapa à un mur et reprit sa course. Au loin, devant
lui, il commençait à apercevoir les piles de l’ancien pont et les planches qui
ne traversaient pas complètement la Seine. À l’est, le jour commençait à
poindre et la lueur évanescente de l’aube se reflétait sur les tours de
Notre-Dame qui émergeaient au fur et à mesure qu’il se rapprochait de la Cité.
Mais au cœur de ce labyrinthe de ruelles, l’obscurité régnait toujours. Les
cheveux trempés par la sueur, il bifurqua sur la droite vers le Grand-Pont. De
temps à autre, il jetait un coup d’œil en arrière. Il n’y avait personne.
Une
fois qu’il aurait donné le livre, il retrouverait sa liberté. Quand les cloches
sonneraient prime, il serait déjà en chemin pour Rouen, où une nouvelle vie
l’attendait. Il s’arrêta un instant à l’entrée d’une allée pour reprendre son
souffle. Haletant, il se plia en deux et s’appuya d’une main sur sa cuisse ; de
l’autre, il tenait un livre relié en vélin. Soudain, un mouvement attira son
attention. Un homme en cape grise était apparu à l’autre bout de l’allée et
approchait à grandes foulées. Le jeune clerc se retourna et repartit en
courant.
Il
zigzagua entre les bâtiments, s’efforçant de mettre à distance les bruits de
course qu’il entendait derrière lui. Mais son poursuivant était tenace et
l’écart diminuait. Ils approchaient maintenant du Châtelet. Serrant toujours le
livre contre lui, il s’élança dans un passage étroit entre deux rangées
d’échoppes. À l’arrière de la boutique d’un marchand de vin étaient empilées
plusieurs barriques. Le clerc regarda par-dessus son épaule. L’homme n’était
pas encore en vue. Il jeta le livre derrière les barriques et continua à fuir.
S’il s’échappait, il reviendrait le récupérer.
Mais
il n’y parvint pas.
Trois
rues plus loin, devant une boucherie, l’homme le rattrapa. Le sol était encore
rouge du sang des bêtes tuées la veille. L’homme à la cape grise le colla sans
ménagement contre le mur et il hurla.
— Donne-le-moi
!
L’homme
prononça ces mots avec un fort accent. Malgré la capuche qu’il avait rabattue
sur son visage, le clerc aperçut sa peau mate.
-—
Est-ce que vous êtes fou ? Lâchez-moi ! s’écria le jeune homme en se débattant.
Son assaillant
sortit un poignard.
— Je
n’ai pas envie de jouer. Donne-moi le livre.
— Ne
me tuez pas ! Pitié !
— Nous
savons que tu l’as volé, dit l’homme en levant le poignard.
Le
jeune homme prit une grande aspiration.
— Je
n’avais pas le choix ! Il a dit que...
Il
baissa la tête et commença à pleurer.
— Je
ne veux pas mourir, dit-il au milieu des sanglots.
— Qui
t’a demandé de le voler?
Mais
le clerc continuait de pleurnicher. Avec un soupir impatient, l’assaillant
recula d’un pas et rangea le poignard dans son étui.
— Je
ne te ferai pas de mal si tu me dis ce que je veux savoir.
Le
jeune homme leva les yeux vers lui.
— Vous
m’avez suivi depuis la commanderie ?
— Oui.
— L’homme
que je... Jean ? Est-il... ? articula le clerc.
De
grosses larmes roulaient sur ses joues.
— Il
est en vie.
Il y
eut un léger bruit, quelque part derrière eux. L’homme en gris tourna la tête
et scruta de ses yeux noirs les bâtiments alentour. Ne voyant rien, il se
concentra de nouveau sur le clerc.
— Donne-moi
le livre et nous pourrons retourner ensemble à la commanderie. Je te jure de ne
pas te faire de mal si tu me dis la vérité. Commence par me dire qui t’a forcé
à le voler.
Le
clerc allait ouvrir la bouche quand ils entendirent un clic assez fort, suivi
d’un léger sifflement. Instinctivement, l’homme en gris s’accroupit. L’instant
d’après, un carreau d’arbalète transperçait la gorge du clerc. Ses yeux
s’agrandirent, mais il ne fit pas un bruit en s’affaissant sur le sol. L’homme
en gris se retourna à temps pour voir une ombre disparaître sur les toits des
boutiques. Il poussa un
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