Le livre du cercle
les sourcils, cherchant un bon exemple.
— Même
le pape n’a jamais vu d’initiation. Tu n’auras jamais d’autre occasion de voir
la cérémonie la plus secrète de l’Ordre.
— Oui,
dit Simon en relevant la tête, et ce n’est pas un hasard si elle est secrète.
C’est parce que personne n’est censé la voir. Seuls les chevaliers et les
prêtres en ont le droit, et tu n’es ni l’un ni l’autre.
Il
remua sur son sac.
— Et
j’ai des fourmis dans les jambes, ajouta-t-il d’un air maussade.
Will
leva les yeux au ciel.
— Pars,
dans ce cas. On se verra plus tard.
— Oui,
je te verrai à travers les barreaux d’une geôle. Écoute ton aîné, pour une
fois.
— Aîné
? sourit Will. D’un an, seulement.
— Peut-être,
mais vingt ans en sagesse, soupira Simon. Tant pis, je reste. Qui d’autre
serait assez stupide pour veiller sur tes arrières ?
Will
se repositionna face à l’ouverture. Le prêtre descendait de l’estrade, une épée
à la main. Toujours torse nu, le sergent se leva en gardant la tête inclinée.
— J’ai
entendu dire qu’ils postent des archers sur les toits des commanderies où se
déroulent les cérémonies, continua Simon en tassant le sac sur lequel il était
assis. S’ils nous attrapent, on sera probablement exécutés.
Will
s’abstint de répondre.
— A
moins qu’ils... qu’ils ne nous expulsent, grommela Simon. Ou qu’ils nous
envoient à Merlan.
Cette
idée le fit frissonner. Quand il était arrivé à la commanderie un an plus tôt,
un sergent plus âgé lui avait parlé de Merlan. Au fil des ans, la prison des
Templiers en France avait acquis une réputation terrifiante et il avait été
profondément affecté par la description que le sergent lui en avait faite.
— Merlan,
c’est pour les traîtres et les meurtriers, murmura Will en continuant à
observer le prêtre.
— Et
les espions.
Soudain,
les portes de la cuisine s’ouvrirent avec fracas. Les rayons de lumière
filtrant dans la réserve s’intensifièrent. A tâtons, Simon se cacha derrière
Will tandis que les pas s’approchaient. Il y eut un grand bruit, suivi d’un
juron, puis les pas s’arrêtèrent. Ignorant Simon qui tremblait de tout son
corps, Will se dégagea des sacs et s’avança avec précaution de la porte.
Avisant une fente dans le bois, il y colla son œil.
La
cuisine était une grande pièce rectangulaire, divisée par deux longues rangées
de bancs où l’on préparait les repas. À une extrémité, près des portes, un feu
brûlait dans l’âtre. Les murs étaient garnis d’étagères où s’entassaient
gamelles, coupes et bocaux. Au sol étaient empilés des fûts de bière et des
paniers remplis de légumes. Des lapins, des rôtis de porc et des poissons
séchés pendaient à des crochets. Sur l’un des bancs était assis un homme vêtu
de la tunique brune des domestiques. Will maugréa intérieurement. C’était
Peter, le chef de cuisine. Il avait posé un panier de légumes sur le banc et se
préparait à éplucher.
— Qui
est-ce ? demanda Simon.
Will
revint vers lui et s’accroupit.
— Peter.
On dirait qu’il en a pour un moment, murmura-t-il.
Le
visage de Simon se décomposa.
— Il
va falloir y aller, dit Will en faisant un signe de la tête vers la cuisine.
— Y
aller ?
— On
ne peut pas rester là toute la journée. Je suis censé polir l’armure d’Owein.
— Oui,
mais avec lui qui est là...
Sans
donner l’opportunité à Simon de refuser, Will alla jusqu’à la porte et
l’ouvrit.
Le
couteau de Peter resta suspendu en l’air.
— Dieu
du ciel ! s’exclama-t-il.
Il
se reprit rapidement et ses yeux se plissèrent en reconnaissant Will. Il reposa
le couteau, s’essuya les mains sur sa tunique et observa Simon qui sortait à
son tour de la réserve et fermait la porte derrière lui.
— Qu’est-ce
que vous faisiez là-dedans, vous deux ? demanda-t-il en se levant.
— On
a entendu un bruit, dit Will avec calmé. On a voulu voir ce qui...
Peter
le poussa de l’épaule et ouvrit la porte d’un coup sec.
— Vous
chapardiez encore ?
Ses
yeux scrutèrent la pièce mais tout avait l’air en ordre.
— C’était
quoi la dernière fois ? Du pain ?
— Des
gâteaux, rectifia Will. Et je ne volais pas, je...
— Et
toi ? dit Peter en se tournant vers Simon. Que vient faire un palefrenier dans
les cuisines ?
Simon
mit ses pouces dans sa ceinture et haussa les épaules en se dandinant d’un pied
sur
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