Le livre du cercle
juron puis se pencha sur le clerc, dont les jambes
étaient prises d’un violent tremblement.
— Où
as-tu mis le livre ? Où ?
La
bouche du clerc s’ouvrit mais seul du sang en sortit. Pour finir, ses jambes
cessèrent de tressauter et sa tête retomba en arrière. L’homme en gris jura de
nouveau et entreprit de fouiller le cadavre, même s’il était évident qu’il ne
trouverait rien sur lui. Des voix se firent entendre et l’homme leva la tête.
Trois personnes entraient dans l’allée. Elles portaient les manteaux écarlates
des gardes de la ville.
— Qui
va là ? lança l’un d’entre eux en levant sa torche et en apercevant une ombre
contre le mur. Vous, là-bas !
L’homme
en gris commença à courir.
— Allons-y
! lança le garde à la torche à ses camarades.
Il
s’approcha et esquissa un signe de croix quand les flammes révélèrent la
tunique noire du clerc avec, sur la poitrine, la croix rouge évasée de l’ordre
du Temple.
Quelques
rues plus loin, dans son échoppe, le marchand de vin Antoine de Pont-Évêque se
creusait la tête sur son livre de comptes. En entendant des cris, il quitta sa
table, ouvrit la porte de derrière et regarda dans la rue. L’allée était encore
vide. Antoine bâillait et s’apprêtait à rentrer dans sa boutique quand ses yeux
remarquèrent quelque chose, caché derrière les barriques vides. Un livre, assez
épais et joliment relié en vélin. Il se baissa pour le ramasser. Le titre en
était composé avec des feuilles d’or. Antoine ne savait pas lire, mais
l’ouvrage avait été réalisé avec soin, c’était évident, et il ne pouvait
imaginer qu’on puisse égarer ou perdre un objet aussi précieux. Après avoir
jeté un bref coup d’œil alentour, il rentra dans son échoppe et ferma sa porte.
Ravi de sa découverte, il rangea le livre sous son comptoir, sur une étagère
poussiéreuse, et retourna à ses comptes. Si son fripon de frère venait lui
rendre visite, il lui demanderait ce qu’il en pensait.
Nouveau
Temple, Londres,
3
septembre 1260 après J.-C.
Dans
la salle capitulaire du Nouveau Temple, un groupe de chevaliers était réuni
pour l’initiation. Assis en silence sur des bancs, ils faisaient face à
l’estrade dressée pour l’occasion. Devant l’autel qui la surmontait, un frère
sergent de dix-huit ans, à genoux sur les dalles, la tête inclinée, tournait le
dos aux chevaliers. Il avait ôté son habituelle tunique noire, et sa poitrine
dénudée prenait une couleur ambrée à la lumière des bougies. Un prêtre gravit
les marches de l’estrade, précédé par deux clercs. Ces derniers disposèrent les
vases sacrés puis allèrent se poster au fond, aux côtés de deux chevaliers
vêtus, comme tous les Templiers, de longs surcots blancs avec la croix rouge
armoriée sur le cœur.
Serrant
contre sa poitrine un livre relié de cuir, le prêtre se racla la gorge et regarda
l’assemblée.
—
Ecce quant bonum et quam jocundum habitare fratres in unum.
(Voyer
comme il est bon et doux pour les frères d’habiter ensemble.)
— Amen,
lui répondirent en chœur les chevaliers.
— Au
nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et au nom de Marie, Notre Très Sainte Mère,
je vous souhaite la bienvenue, mes frères. Nous sommes réunis en ce jour pour
un rite sacré.
Il
tourna son regard vers le sergent agenouillé.
— Dans
quel but êtes-vous ici ?
Le
sergent s’efforça de se souvenir des mots qu’il était supposé prononcer et
qu’on lui avait appris durant sa nuit de veille.
— Je
viens me livrer au Temple, corps et âme.
— Au
nom de qui venez-vous vous livrer ?
— Au
nom de Dieu et au nom d’Hugues de Payns, fondateur de notre Ordre sacré, qui a
abandonné cette vie de péchés et de ténèbres, s’est libéré des liens de ce
monde et...
Le
sergent s’arrêta, les tempes palpitantes.
— ...
et, emmenant avec lui le manteau et la croix, a voyagé en Outremer, la terre
au-delà de la mer, pour porter le feu et l’épée aux infidèles. Et qui, une fois
là-bas, a juré de protéger les pèlerins chrétiens en chemin vers la Terre
sainte.
— Acceptez-vous
maintenant le manteau du Temple, en sachant qu’ainsi vous mettez vos pas dans
ceux de notre fondateur et devenez un humble serviteur de Dieu Tout-Puissant ?
Le
sergent consentit. Le prêtre saisit alors une coupe en argile sur l’autel et
versa délicatement son contenu dans un encensoir doré. Le mélange résineux
d’oliban
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