Le livre du magicien
rétorqua Sir Edmund. Monsieur de Craon s’est abrité dans sa chambre et en est sorti fort agité.
Il eut un sourire contraint.
— Il prétend ne pas être en sécurité ici et veut se rendre à Douvres. En fait, il a ordonné à ses serviteurs de préparer leurs bagages et de partir aussi vite que possible. Il exige une solide escorte pour le trajet.
— Oh, j’en suis sûr ! remarqua Corbett. J’imagine fort bien votre hôte français levant les bras au ciel, roulant des yeux, criant que sa personne est sacrée, que cet endroit devrait être plus sûr, et qu’il ne saurait s’en éloigner assez vite.
Le magistrat leva son gobelet en l’honneur du gouverneur.
— Allons, Sir Edmund, voyons le côté comique de la situation. Craon veut mettre la plus grande distance possible entre lui et Corfe parce qu’il a échoué, que l’attaque a avorté.
Le sourire de Sir Edmund s’évanouit.
— Et pourtant, Sir Hugh, nous avons perdu trente-cinq hommes. J’ai commis une erreur. Il semble que les marchands ambulants et les colporteurs que nous avons reçus ont attaqué les gardes du grand portail, leur ont tranché la gorge et ont baissé le pont-levis. J’aurais dû être plus prudent. Les pirates se cachaient dans l’ombre ; ils ont amené une charrette, forcé la herse, et vous savez le reste.
— Ils étaient dans les parages tout le temps ? s’enquit Corbett.
— Oui, oui. Venons-en à présent à la partie horrible. Les pirates ont accosté dans l’estuaire et ont pénétré dans les terres. D’après ce que j’ai pu apprendre, ils se sont faufilés dans la forêt et ont assassiné charbonniers et bûcherons. Ils ont tué et violé. Puis ont fait prisonniers ceux qui connaissaient les sentes et les ont obligés à leur montrer le chemin. Ils sont arrivés à St Pierre-des-Bois et se sont abrités dans l’église et dans le presbytère. Les pirates ont menacé le père Matthew en lui disant que s’il ne les aidait pas en jouant les malades et en renvoyant tous les visiteurs, ils lui couperaient la gorge et brûleraient vifs les otages. Puis ils sont allés à La Taverne de la Forêt. Il semble que les marchands de laine castillans aient fait partie du complot ; ce sont eux qui ont allumé le feu. Ils ont forcé le tavernier à coopérer. Ils avaient décidé de se servir de sa carriole et de celle de Maîtresse Feyner. Ces hommes ont cru qu’ils pourraient nous prendre par surprise, abaisser les ponts-levis et saccager la forteresse à leur aise.
— Voilà pourquoi ce bâtard nous a offert un banquet, l’interrompit Ranulf. Il espérait que nous serions tous éméchés et que nous dormirions sur nos deux oreilles. Sommes-nous sans recours, Sir Hugh ?
Corbett se passa le pouce sur les lèvres.
— Continuez, Sir Edmund.
— Ils ont aussi nettoyé la forêt, reprit ce dernier en joignant les mains. Le pauvre Horehound et sa bande ont été massacrés. J’ai dépêché des cavaliers sous les arbres. Les Flamands ont tué à l’aveuglette : Horehound, son groupe, des forestiers, des charbonniers. Mon Dieu, Sir Hugh, il faudra attendre l’été pour que nous les retrouvions tous !
— Et Maître Reginald ?
— Ils l’ont obligé à conduire sa carriole ce matin. Il a été occis tout près du portail. J’ignore si c’était exprès ou par accident.
— Le père Matthew ?
— Ah, nous nous attendions à le trouver mort. Mais notre prêtre a l’esprit plus vif qu’ils ne le croyaient. Il est parvenu, ainsi que les otages, à se réfugier dans l’église et à s’y barricader au moment même où les pirates ont commencé à se rassembler pour donner l’assaut au château. Il est clair qu’ils voulaient en finir d’abord avec nous. Le père Matthew est ébranlé et inquiet, mais quand on l’a récupéré avec les pauvres malheureux de la forêt, ils n’étaient plus en danger.
— Et l’auberge ? demanda Ranulf.
— Pillée et mise à sac. La plupart des valets ont pu fuir dans les bois.
— Les Castillans ?
— D’après l’un des palefreniers, l’un d’entre eux s’est échappé et les autres ont été massacrés. Ils ont tenté de résister une dernière fois entre la taverne et l’église. J’ai ramené les corps des rebelles afin que mes gens puissent les voir. Ils sont alignés à l’entrée de la haute cour. Je veux que tout un chacun constate que justice a été rendue.
— Et les autres ? interrogea Ranulf.
— Ils seront
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