Le livre du magicien
étaient en alerte. Prises par surprise, elles ne savaient si elles devaient affronter le péril dans la cour en bas, ou les cavaliers et les chariots qui paraissaient émerger des ténèbres et s’engouffraient dans un bruit de tonnerre sur le pont-levis inférieur. Corbett, Ranulf près de lui, courait.
Rai de lumière dans le noir, la porte de la salle des Anges était ouverte. Sir Edmund et ses officiers surgirent, à moitié revêtus de leur armure, épée au clair, casque en tête. Corbett, du coin de l’oeil, aperçut quelque chose qui bougeait et pivota, armes à la main. Il reconnut deux des colporteurs qu’il avait rencontrés l’autre jour. Ils n’étaient plus chargés de fardeaux ; l’un d’entre eux tenait une épée et une dague, l’autre, qui se pressait derrière son compagnon, glissait un carreau dans une arbalète. Le magistrat se mesura avec le premier dans un fracas d’acier pendant que Ranulf se jetait sur l’arbalétrier. Le combat fut d’une violence impitoyable. Corbett aperçut un visage barbu, des yeux de braise, sentit l’odeur désagréable de son adversaire et entendit les jurons qu’il grommelait. C’était un piètre bretteur qui faisait des moulinets avec son poignard. Se tournant un peu de côté, il exposa sa poitrine et Corbett y enfonça son épée au moment où Ranulf, saisissant l’arme de son adversaire, la lui poussait dans le ventre tout en lui plantant sa dague en pleine figure. L’homme s’écroula et le sang jaillit à gros bouillons. Ranulf, d’un pas, passa derrière lui et lui tira la tête en arrière pour lui couper la gorge.
Des combats similaires éclataient déjà dans la haute cour. Des duels se déroulaient ; les hommes roulaient au sol et les attaquants, surgissant de la porte principale, se massaient dans le baile. Ennemis redoutables, ils ne portaient pas d’armure, mais des justaucorps de cuir ou de longues tuniques fendues sur les côtés. Ils étaient coiffés de peau de goupil, de blaireau, de loup ou d’ours. Bien équipés et bien organisés, ils étaient conduits par une colonne d’arbalétriers et des combattants, prêts à saisir l’occasion, se détachaient des flancs. Dos à la poterne, ils s’avançaient à présent vers le second pont-levis. D’autres se précipitaient dans l’escalier pour attaquer gardes et sentinelles sur l’aléoir. Quand ils s’approchèrent, Corbett comprit que leur force principale se trouvait sur leur flanc droit et, ignorant le sifflement des flèches et des carreaux, il montra du doigt la salle des Anges.
— Ils veulent l’investir, acquiesça le gouverneur qui avait déjà une blessure au visage.
— Je vais la défendre, murmura Ranulf.
Sir Edmund lançait à présent ses propres archers dans la bataille. Peu efficaces avec leurs arbalètes clairesemées, beaucoup trop lents, ils parvinrent pourtant à ralentir l’avancée de l’ennemi. Derrière cette ligne, sans tenir compte des horribles cris des blessés, Sir Edmund et ses officiers tentaient de faire régner l’ordre. Ranulf, entouré d’un groupe de soldats, protégeait déjà les marches de la salle des Anges. Le gouverneur recula et envoya en avant d’autres arbalétriers suivis d’une rangée de soldats munis de longs boucliers ovales et de javelots. Corbett, à bout de souffle, le corps trempé de sueur, les oreilles assourdies par le violent tapage, crut d’abord que Sir Edmund, frappé de panique et incapable de réfléchir, commettait une erreur. Mais rang après rang, les archers gallois, dirigés par leurs officiers, se glissèrent sur le pont-levis de la haute cour. Ils mirent alors un genou à terre et formèrent des files en laissant des intervalles entre eux. Bannières noir et rouge déployées, les pirates, ayant reçu du renfort de troupes fraîches, s’avancèrent, prêts à se jeter sur les arbalétriers et les soldats en cotte de mailles du gouverneur. Le baile grouillait de mercenaires aux vêtements criards. Comme dans toutes les batailles, le magistrat ne comprenait rien à ce qui se passait. Ce n’était plus que hurlements, hommes se tordant sur le sol, mains crispées sur des blessures d’où jaillissait le sang. Un corps bascula par-dessus les remparts. Corbett se rendit compte que les archers ennemis essayaient de tirer au-dessus de leurs têtes.
— Sir Hugh !
Corbett et Sir Edmund étaient à présent protégés par les rangées d’hommes agenouillés qui se tenaient devant eux,
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