Le livre du magicien
pendus dans l’heure, mais Ranulf a raison ! Que pouvons-nous faire au sujet de Craon, Sir Hugh ?
Ce dernier, une fois debout, se lava mains et visage et se prépara avec soin.
— Dites-lui que je veux le voir ici.
Il retourna la chaire afin qu’elle soit face à l’huis.
— Je veux le rencontrer céans, tout seul. Vous pouvez me servir de témoins.
Quelques instants plus tard, Craon, portant bottes et éperons, emmitouflé dans une épaisse chape de laine, entra d’un air bravache. Bogo de Baiocis le suivait comme son ombre.
— Je suis heureux, Sir Hugh, de voir que vous êtes indemne, déclara Craon en cherchant une chaire du regard.
Corbett ne lui proposa pas de siège. Ranulf était installé sur une sellette et Sir Edmund, appuyé contre le mur, grattait toujours son poignet écorché.
— Dites à votre homme d’attendre dehors.
— Plaît-il ?
— Dites à votre serviteur d’attendre dehors. Ce château appartient au roi d’Angleterre, je suis son émissaire et décide à qui je m’adresse, explicita Corbett en se frottant les mains. Il peut sortir de son plein gré ou je peux faire sonner le tocsin.
Craon leva sa main gantée et agita les doigts. Ranulf s’empressa d’ouvrir l’huis et, moqueur, s’inclina quand Bogo de Baiocis sortit, puis referma la porte et tira les verrous. L’inquiétude s’empara de Craon.
— Vous semblez fort irrité, Sir Hugh. Je m’élève tout à fait, comme le fera mon maître, contre l’effroyable assaut lancé contre ce château, ironisa-t-il. Nos deux rois ne pourraient-ils pas, Sir Hugh, se rencontrer pour débattre du péril que représentent ces maraudeurs ? Par ailleurs, je dois vous rappeler que je suis un émissaire accrédité. Je ne me sens plus en sécurité à Corfe. Je voudrais...
— Oh, assez ! coupa Corbett en sirotant une gorgée de vin. Monsieur de Craon, pourquoi ne vous taisez-vous pas ? Savez-vous, Messire, que si je pouvais prouver quel est le coquin qui a engagé ces pirates, je ferais construire un échafaud spécial devant le grand portail pour le voir pendre ? Mais je n’ai pas de preuves.
— Voulez-vous insinuer qu’on les a payés ? fit mine de s’étonner Craon, les yeux écarquillés. Sir Hugh, pouvez-vous justifier vos dires ?
— J’ai dit si, souligna Corbett. Cet homme est un meurtrier, un assassin. Ses mains sont souillées du sang d’hommes et de femmes innocents. Ce n’est qu’un fourbe de la plus vile espèce, un bâtard sans coeur, indigne même de torcher le cul d’un des chiens de Sir Edmund.
Les yeux du Français commencèrent à trahir la malveillance et la colère qui bouillaient en lui.
— Pourtant, Monsieur, vous avez fait une très bonne remarque. Et même, pour être précis, trois. D’abord que nous devons recueillir autant de renseignements que possible sur cette attaque, dont vous avez été témoin. Ensuite, que vous êtes un émissaire accrédité et que, donc, le roi d’Angleterre est personnellement responsable de votre sécurité. Enfin, qu’il reste des questions en suspens entre nous. Ainsi, et pour être bref, je pense qu’il serait fort périlleux, même avec une importante escorte, que vous vous rendiez à Douvres. Les pirates peuvent encore se cacher le long des routes.
Le magistrat avala une gorgée de vin en épiant Craon par-dessus son gobelet.
— Qui sait ? Il se peut qu’ils lancent un nouvel assaut. Votre personne, Monsieur de Craon, est très spéciale ; je veux dire qu’elle m’est particulièrement sacrée. Je dois m’assurer que vous restez près de moi et que vous êtes sauf.
Craon s’empourpra tandis que Ranulf ricanait.
— Par les pouvoirs qui me sont conférés, déclara Corbett en levant la main gauche, j’insiste pour que vous demeuriez ici, bien protégé, à Corfe, où vous serez l’objet de tous les soins jusqu’à ce que nous soyons sûrs que le moindre danger est écarté.
— Et... ? questionna Craon d’un ton qui n’était guère plus qu’un murmure.
— Mon souverain, reprit Corbett qui ne souriait que des yeux, insistera pour vous rassurer lui-même. Il voudra savoir tout ce qu’il est possible de savoir sur cette incursion.
Il se pencha en avant.
— Dans moins d’une semaine, on vous escortera à Londres où vous disposerez d’un logis confortable à la Tour. Vous pourrez participer aux festivités de Noël à la cour.
— Je proteste ! s’insurgea Craon. Je dois retourner en France.
Le
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