Le livre du magicien
vigoureux discours louant le courage de ses gens. Il désigna les captifs, attachés et regroupés, et promit que la justice du roi serait accomplie en public et sans tarder.
Quand il fut descendu, il se dirigea, en compagnie de Corbett, Ranulf et Bolingbroke, qui faisait office d’interprète, vers la chambre du conseil, dans le donjon. Une myriade de chandelles et les nombreux braseros à couvercle alignés le long des murs et disposés dans chaque coin l’avaient transformée. La grande table avait été tournée de façon à faire face à la porte. Sir Edmund s’assit dans la chaire du milieu, sous le crucifix, Corbett à sa droite, Ranulf à sa gauche, Bolingbroke, l’air fort soucieux, à un bout, et un scribe du château à l’autre. Devant le gouverneur se trouvaient une épée, un petit crucifix et une copie du bréviaire de la chapelle. Corbett sortit son mandat et le déroula en usant de quatre poids pour maintenir les coins. Son sceau, ceux du roi et du chancelier avalisaient le document.
On fit entrer les prisonniers que l’on poussa et entassa devant ce Banc du roi {23} sommairement formé. Sir Edmund déclara qu’ils étaient des pirates, des envahisseurs sans droit et qu’ils relevaient de la cour martiale. Bolingbroke traduisait ses paroles au fur et à mesure. Puis le gouverneur dressa la liste des charges contre eux : « ... qu’ils avaient, dans l’intention de nuire et avec félonie, envahi le royaume du noble roi d’Angleterre, causant des dévastations par le feu et l’épée, pillant et tuant les bons et loyaux sujets du souverain contrairement à tous les usages et à la loi... » Il s’interrompait de temps en temps pour permettre à Bolingbroke de traduire. À la fin il demanda si les accusés avaient quelque chose à dire pour leur défense.
— Merde ! cria une voix vulgaire.
Le gouverneur réitéra sa question : l’un d’entre eux se proclamait-il innocent ? L’un des pirates, devant, se racla la gorge et cracha. Le malaise qu’éprouvait Corbett devant une justice si expéditive se dissipa en observant les ennemis. Ils avaient bien l’air de ce qu’ils étaient, des vauriens violents, des meurtriers qui ne craignaient ni Dieu ni homme et auraient montré peu de compassion envers leurs victimes. Il pensa aux charbonniers solitaires, au malheureux Horehound et à sa bande, aux corps qui se rigidifiaient sous la neige. En scrutant ces visages balafrés et cruels, il se demanda de quelles autres atrocités ils étaient coupables. Il tira la manche de Sir Edmund et lui chuchota quelques mots rapides à l’oreille. Le gouverneur fit un signe d’acquiescement.
— Y a-t-il céans quelqu’un, s’enquit-il, qui peut se déclarer innocent de ces charges ? J’ai déjà posé la question et je la repose pour la dernière fois.
Une volée de jurons formulés dans au moins une demi-douzaine de langues lui répondit. Malgré leurs fers, les pirates étaient encore redoutables. Corbett remarqua qu’ils se glissaient vers la table qui leur faisait face, à tel point que les officiers du château durent former un cordon entre eux, boucliers levés, épées tirées.
— Écoutez ! cria Sir Edmund. Je suis en mesure d’offrir un complet pardon et l’amnistie à quiconque peut révéler le nom de celui qui vous a engagés, et la raison pour laquelle vous êtes venus ici.
Un silence de mort suivit ses paroles. L’un des prisonniers fit un pas en avant, en bousculant presque la garde.
— Nous ignorons qui nous a payés, répliqua-t-il dans un anglais guttural. Seul notre amiral pourrait vous le dire et soit il rôtit en Enfer soit il est en train de violer l’une de vos femmes. Vous avez l’intention de nous tuer, alors pourquoi ne pas en finir ?
— Dans ce cas...
Le gouverneur se leva, et, une main posée sur le pommeau de son épée, l’autre sur le crucifix, il signifia la sentence de mort : « ... qu’ils ont tous été reconnus coupables des terribles accusations portées contre eux, ayant perpétré toutes sortes de crimes odieux... et par le pouvoir de haute et basse justice qui m’a été conféré, en tant que gouverneur de ce château royal, je les condamne à être pendus, sentence exécutable sur-le-champ. »
Il était inutile de traduire ses paroles auxquelles répondirent clameurs et insultes. Les pirates se portèrent en avant, mais les officiers de Sir Edmund les firent reculer avec force coups. On les poussa dans la haute cour en
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