Le livre du magicien

magistrat. Chanson s’apprêtait à accompagner Ranulf, mais Corbett le retint.
    — Non, non, dit-il quand les deux autres furent partis, reste près de l’huis, Chanson.
    Corbett prit son chapelet et commença à l’égrener entre ses doigts. Il essaya de se concentrer sur les mots, mais en fait il laissa libre cours à ses pensées, commandant au temps de s’écouler aussi vite que possible. Il entendit des clameurs et des cris dehors, un bruit de course et la cloche de la chapelle qui, lente et sinistre, sonnait le glas. Il appela le palefrenier.
    — Chanson, va dire à Monsieur de Craon, ordonna-t-il par dessus son épaule, que William Bolingbroke, clerc de la chancellerie secrète, a été exécuté pour trahison et meurtre. Dis-lui qu’un jour notre noble roi expliquera en détail au Saint-Père ce qui s’est passé céans. Oh, Chanson, dis aussi à Craon que l’affaire n’est pas finie ; pour moi ce n’est qu’un nouveau commencement.

 
    NOTE DE L’AUTEUR
    Ce roman reflète des événements très importants de l’histoire de l’Angleterre au début du XIV e siècle. Le traité de paix de 1303 fut imposé à Édouard I er , qui passa le reste de sa vie à tenter désespérément de le dénoncer. Son fils, le futur Édouard II, continua sa politique, mais dut se plier aux volontés des Français. En janvier 1308, Édouard II épousa la princesse Isabelle à Notre-Dame de Boulogne. Ce mariage n’apporta pas la paix éternelle que Philippe avait espérée. Quelque dix-huit ans plus tard, Isabelle déclencha une guerre civile contre son mari et le déposa. Plus important encore, Philippe IV n’avait jamais imaginé la cauchemardesque perspective que ses trois fils meurent sans héritier mâle et exposent ainsi le trône de France aux prétentions du fils d’Isabelle, Édouard III. La guerre de Cent Ans qui s’ensuivit plongea la France et l’Angleterre dans un interminable et cruel conflit qui coûta fort cher aux deux pays, tant en hommes qu’en ressources.
    Les hors-la-loi décrits dans ce roman sont le reflet véridique des miséreux qui, contraints de fuir la paix du roi, devaient passer leur vie au fond des forêts d’Angleterre. Ce n’étaient pas Robin des Bois et ses Joyeux Compagnons, mais des individus désespérés qui vivaient en marge de la société, rejetés de tout un chacun. Leurs armes de base étaient l’arbalète et la dague. Le grand arc n’avait pas encore frappé sur les champs de bataille européens. Édouard I er avait découvert les terribles atouts de cette puissante arme pendant les guerres qu’il avait menées au pays de Galles. L’emploi du grand arc, tel qu’il est décrit dans ce livre, fut, à cette époque, une innovation aussi notable dans la technologie militaire que le sous-marin, le tank ou l’avion le furent à la nôtre.
    Les écrits de Roger Bacon sont aussi décrits avec fidélité dans cet ouvrage. Les citations viennent de ses oeuvres en latin. Il tenait son savoir secret du mystérieux Maricourt. Personne n’a jamais expliqué la provenance de sa fortune ni découvert le destin de son disciple favori, « John ». Le Livre des secrets pourrait bien être le manuscrit Voynich, découvert par l’Américain Wilfrid Voynich dans une villa italienne près de Frascati en 1912. Ce manuscrit, d’environ deux cents pages semi-illustrées, est rédigé d’une façon quasiment incompréhensible. William Newbold, professeur à l’université de Pennsylvanie, a déclaré qu’il s’agissait du manuscrit secret de Roger Bacon. Depuis lors, des controverses ont fait rage au sujet de cette trouvaille que personne n’est parvenu à déchiffrer. Certains prétendent que c’est bien le livre de Bacon, contenant ses prophéties et ses découvertes ; d’autres maintiennent fermement que c’est l’oeuvre de John Dee, occultiste et astrologue, un contemporain d’Élisabeth I re . Ce que l’on ne peut nier, quoi qu’il en soit, c’est que Bacon avait un esprit curieux et qu’il a imaginé des inventions comme l’avion et le sous-marin, qui font, bien entendu, partie de notre réalité.