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Le livre du magicien

Le livre du magicien

Titel: Le livre du magicien Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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promener dans les rues étroites, rencontrer ses amis dans les auberges et les tavernes ou pouvoir à nouveau débattre de termes de loi dans les profondeurs des écoles de la Sorbonne.
    Vervins avait étudié l’oeuvre de frère Roger et avait jugé que feu le franciscain n’était qu’un songe-creux et un fanfaron. Il se remémora la déclaration de l’ Opus minus  : « Nulle peste n’égale l’opinion du vulgaire. Le vulgaire, aveugle et méchant, est l’obstacle et l’ennemi de tout progrès. » Comment un disciple de saint François, un soi-disant érudit, pouvait-il mépriser autrui à ce point ? Pourquoi tout ce secret ? Il se souvint que frère Roger, bien qu’il eût précisé n’avoir jamais vu une machine capable de voler, avait pourtant ajouté : « Je connais cependant le sage qui en a conçu une. » Comment pouvait-il dire cela ? Qu’est-ce que ça signifiait ? Vervins s’accouda à la muraille et, l’esprit ailleurs, se mit à arracher le lichen et la mousse qui la recouvraient. Il aimait par-dessus tout se promener dans les petites places de Paris où mimes et conteurs installaient leurs tréteaux improvisés et narraient légendes et histoires au grand ébahissement de la populace. En allait-il de même pour frère Roger ? Un homme qui faisait allusion à des merveilles, mais ne montrait jamais leur réalisation ? Les clercs anglais étaient aussi déconcertés que lui par le code du Secretus secretorum. N’était-ce que mascarade déguisée en érudition ? Y avait-il effectivement une clef ou était-ce une méchante farce de frère Roger ? Une façon de railler, de se gausser de ses collègues, en laissant accroire avec habileté que ce manuscrit contenait des révélations qui expliqueraient les merveilles décrites dans ses autres ouvrages ?
    Vervins suivit le chemin de ronde du regard. Il avait envie d’enlever ses épais gants de laine pour se réchauffer les doigts au-dessus du feu, mais il voulait aussi à toute force être seul. Le Secretus secretorum était une chose, mais il y avait des questions plus urgentes, plus épineuses à résoudre. La mort de ses deux collègues l’avait plongé dans une inquiétude constante. Il devait, bien sûr, accepter l’évidence constatée de ses propres yeux. Destaples avait trépassé d’une attaque. La porte de sa chambre était fermée et verrouillée. Et Maître Crotoy avait glissé sur des marches abruptes et s’était rompu le col. Quelles autres explications aurait-on pu trouver ? Il n’y avait là aucune fourberie, sans doute. Mais pourquoi les avoir amenés ici, les avoir arrachés à leurs bien-aimées études, les avoir contraints à subir le malaise de la traversée et les rigueurs de cet hiver anglais dans un château isolé ?
    Ses yeux revinrent vers la campagne. Les champs et les haies dormaient sous leur tapis de neige ; la brume, par endroits, se déchirait et laissait voir les arbres au loin. Les bruits du château montaient d’en bas et, au-delà des murailles, on entendait les croassements distants des corneilles et des corbeaux. Il était venu pour être seul ; où qu’il aille, il y avait ce fat de Craon ou le silencieux et lugubre garde du corps du clerc français, Bogo de Baiocis.
    — Allez-vous bien, Messire ?
    — Oui, répondit Vervins au garde, quoique je sois transi.
    Il ferma les yeux. Ils partiraient peut-être bientôt et, quand ils seraient de retour à Paris, il accomplirait son voeu silencieux. Il se plongerait dans ses études et ne se laisserait plus entraîner, comme les autres, dans des débats de théorie politique. Il ne participerait plus à des critiques voilées sur le pouvoir de la Couronne, véritable raison de sa présence céans. Vervins était certain qu’on les châtiait en raison de leur déloyauté apparente envers les prétentions excessives de Philippe de France. On leur infligeait une dure leçon pour qu’ils n’oublient pas cet axiome de la loi romaine : «  Voluntas principis habet vigorem legis  », « La volonté du prince a force de loi ».
    Une rafale particulièrement forte fit vaciller Vervins. À Paris, il aimait monter aux tours de Notre-Dame pour admirer la ville. Il n’en allait pas de même à Corfe. Il longea avec prudence le rebord du parapet en direction de la porte de la tour.
    — L’huis est clos, lui cria la sentinelle. Il l’est toujours.
    Vervins souleva l’anneau de fer, mais il ne tourna pas. Exaspéré, il soupira et

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