Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
gravité, salua le capitaine et lui dit que
s’il perdait un jour son gagne-pain, il songerait à une offre qu’il trouvait
d’ores et déjà infiniment obligeante…
    — Capitaine, dis-je alors, je voudrais vous faire une
recommandation au sujet des prisonniers que vous ferez.
    — Monsieur le Comte, excusez-moi, mais nous ne faisons
jamais de prisonniers. Nous tuons ceux qui nous veulent occire.
    — Tous, même ceux qui se rendent ?
    — Ceux-là surtout, Monsieur le Comte. En raison de leur
couardise. Cependant, nous ne touchons pas aux blessés, mais nous ne les
secourons pas non plus. C’est au Seigneur Dieu de décider s’il veut qu’ils
survivent ou non.
    — Cependant, Capitaine, il me faut des prisonniers, ne
serait-ce que pour savoir d’eux qui a ordonné l’embûche.
    Hörner se gratta alors le côté gauche de la tête à l’endroit
où une ancienne blessure avait laissé une place blanche où pas un poil ne
poussait. Il le gratta, ou plutôt le massa de son index qui me parut énorme, je
ne sais pourquoi, car il était en proportion avec le reste de son corps lourd
et géantin, quoique sans bedondaine. Lui qui était si rapide et si pertinent
quand il s’agissait de raisonner d’un combat, il était évident que ma requête
lui posait un problème inhabituel qui ralentissait beaucoup sa pensée.
    — Monsieur le Comte, dit-il enfin, voici ce que je
ferai. Je vais dire à mes soldats que s’ils voient des hommes, ou un homme, qui
paraissent être en autorité chez l’ennemi, ils les doivent saisir sans les
navrer. Toutefois, Monsieur le Comte, comme capturer est plus périlleux que
tuer, je vous demanderais pour ces soldats, s’ils réussissent, une
gratification que je laisserai, Monsieur le Comte, à votre générosité.
    — Barguin conclu, Capitaine.
    Mon père qui s’était tenu un peu à l’écart de ce bec à bec,
mais sans laisser pour autant de l’ouïr, s’approcha alors et dit :
    — Capitaine, j’aimerais que vos soldats, après le
combat, amènent ou transportent céans les blessés, qu’ils appartiennent à votre
troupe ou à l’autre camp.
    — À l’autre camp ! répéta Hörner, comme indigné.
    — Il va sans dire que pour ceux-là, je donnerai une
gratification à ceux qui se donneront peine pour me les amener.
    — Je ne faillirai pas de le leur dire, dit Hörner non
sans faire quelque effort pour recouvrer sa politesse habituelle, et je sus dès
ce moment qu’il n’en ferait rien.
    — Capitaine, dis-je, à quelle heure comptez-vous lancer
votre attaque ?
    — Au déclin du jour, au moment où ceux d’en face, étant
en poste et en attente depuis potron-minet, ne penseront plus qu’à manger, à
boire et à dormir.
    Là-dessus, il nous salua, pivota roidement sur ses talons et
partit rejoindre ses hommes qu’il avait mis au repos de l’autre côté du grand
chemin. La Barge, qui était remis de ses mésaises, émergea du carrosse, vint
nous rejoindre et, saluant mon père et moi, s’excusa de n’avoir pu de tout ce
temps m’être utile. Charpentier s’avança alors vers lui, le remercia
chaleureusement de lui avoir prêté son cheval, et lui remit, comme lui revenant
de droit, les deux pistolets que je lui avais confiés.
    — Vous ne m’eussiez pas été utile, mon pauvre La Barge,
dis-je doucement, il ne s’est encore rien passé. Je commence à avoir quelque
idée de la guerre. On marche, et on marche. Après quoi on attend, et on attend.
Et rien ne se passe.
    J’achevais ces paroles quand nous reçûmes, comme pour me démentir,
une visite pour le moins imprévue. C’était Becker, le lieutenant ou, pour mieux
dire, le bras droit de Hörner, car cette petite armée ne se donnait pas de
grades, bien que la hiérarchie fût solidement établie et la discipline,
rigoureuse. Parmi tous ces montagnards suisses dont la face était boucanée par
le soleil et les intempéries, le visage de Becker était le seul à briller d’un
rose vif, étant semé de taches de rousseur. Quatre hommes le suivaient qui
portaient chacun deux mousquets, ce qui ne faillit pas de nous étonner.
    — Monsieur le Comte, dit-il, le capitaine en est arrivé
à la conclusion que les chevaux de l’adversaire se mettant à hennir sous
l’effet des pétards, les nôtres pourraient bien en faire autant et attirer
l’attention de votre côté. L’herbe devenant rare, nous allons donc leur mettre
à chacun un petit sac d’avoine à la tête pour les occuper

Weitere Kostenlose Bücher