Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
légitimement
se dire tel. Là où est le roi, les autres ne sont rien. Il n’y a pas de
« presque ».
    Cette profession de foi, énoncée avec une gravité quasi
religieuse, fit grande impression non seulement sur le prisonnier, mais sur
tous ceux qui étaient là. Mon père me dit plus tard que la phrase « là où
roi est, les autres ne sont rien » était en fait une citation. Chose
remarquable, elle avait été prononcée par Henri III, alors qu’il était en
grande détresse, le duc de Guise lui prenant ses villes une à une.
    — Et maintenant, reprit Richelieu, qu’allons-nous faire
de toi ?
    — Je ne sais, Éminence, dit Barbier, sans en appeler à
sa clémence et sans même se ramentevoir que je lui avais promis la vie sauve et
la liberté s’il révélait l’emplacement de l’embûche.
    Cette attitude où je trouvais une sorte de dignité ne laissa
pas de me plaire. Ayant demandé de l’œil au cardinal la permission de parler,
je dis :
    — Plaise à Votre Éminence de me confier le prisonnier.
Je lui ai promis la vie sauve.
    — Il est à vous, Comte, dit le cardinal, mais si vous
le relâchez, ne le faites point avant que tout ce tohu-bohu soit fini.
Capitaine, poursuivit-il en se tournant vers Hörner, faites entrer Monsieur de
Bazainville. Et cela fait, raccompagnez Barbier dans ses quartiers.
    Je mettrais ma main au feu que Hörner obéit sans même que la
pensée l’effleurât que Richelieu s’était arrangé pour qu’il n’assistât pas à
l’interrogatoire de Monsieur de Bazainville.
    Le cardinal en agit avec Bazainville comme il l’avait fait
avec Barbier. Ses chaînes enlevées, il lui fit porter un gobelet d’eau.
Cependant, son attitude fut beaucoup plus froide qu’avec Barbier. Preuve que la
fruste franchise du mauvais garçon ne l’avait pas laissé insensible.
    — Monsieur, dit-il, j’ai ici, écrit de la main de
Charpentier, l’interrogatoire que le comte d’Orbieu vous a fait subir dans son
carrosse après votre capture. En assumez-vous tous les termes ?
    — Oui, Éminence.
    — N’écrivez pas encore, Charpentier, dit le cardinal.
    Et il poursuivit :
    — Un grand personnage est implicitement mis en cause
dans cet interrogatoire. Je vous demanderai, pour de dignes raisons, de ne pas
prononcer son nom, quand vous aurez à l’évoquer.
    — Éminence, comment le désignerais-je, si je dois taire
son nom ?
    — Appelez-le tout simplement « le
personnage ».
    — Je n’y faillirai pas, dit Bazainville avec un sourire
si déplaisant qu’il me donna l’envie de l’effacer de ses lèvres.
    — Charpentier, dit Richelieu, écrivez maintenant.
    Et il reprit :
    — Selon ce qui a été dit dans le carrosse du comte
d’Orbieu, vous avez, après le combat, passé un barguin avec le comte. Vous lui
révéleriez un complot contre mes sûretés et il vous accorderait la liberté et
la vie, si j’en tombais d’accord.
    — En effet, Éminence.
    — Fort bien. Je prends la suite de cet arrangement et
j’en accepte les termes à condition, bien sûr, que les faits viennent acertainer
la réalité du complot dont je serais, d’après vous, l’objet.
    — Éminence, dit Bazainville avec un sourire, vous me
mettez dans l’embarras. Je suis maintenant réduit à faire des vœux pour que le
« personnage » persévère dans son projet, alors même que personne
n’ignore qu’il est d’étoffe très changeante.
    — Vous prenez, en effet, un risque, dit froidement
Richelieu. Mais vous en prendriez un beaucoup plus grand, si vous choisissiez
de vous taire.
    — Je lance donc les dés, dit Bazainville. Les voici. Ce
matin, Excellence, ou cette après-dînée, vous allez recevoir un chevaucheur du
« personnage », lequel s’invite à dîner chez vous demain soir avec
une trentaine de ses gentilshommes.
    —  E disinvolto , dit le cardinal, ma no
criminale [43] .
    — Éminence, le pire est encore à venir. Au cours de ce
dîner, certains des gentilshommes du « personnage » feindront de se
prendre entre eux de querelle, tireront leurs armes et dans le chamaillis qui
s’ensuivra, un coup d’épée, donné comme par inadvertance, vous traversera.
    Le cardinal, les yeux baissés, la face imperscrutable, posa
la main sur la tête de son chat et l’oublia si longtemps que le chat se mit à
ronronner. Le cardinal retira alors vivement sa main et nous envisagea, mon
père et moi, comme s’il nous prenait à témoin de son

Weitere Kostenlose Bücher