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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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ils
furent bien aise que nous les visitions, car ils commençaient à se demander
combien de temps ils allaient être gardés par les Suisses, quasiment
prisonniers dans ce petit salon.
    À notre entrant, dès que l’huis fut reclos sur nous et après
un échange de courtois saluts, le plus âgé de ces gentilshommes se démasqua. Il
fit signe à son compagnon de l’imiter.
    — Messieurs, dit-il, je suis le commandeur de Valençay
et voici mon neveu, le marquis de Chalais, grand maître de la garde-robe du
roi.
    — Lequel je connais fort bien, Monsieur le Commandeur,
dis-je avec un nouveau salut et que j’aime fort.
    — Mais c’est d’Orbieu ! s’écria alors Chalais.
    Et courant à moi avec l’impétuosité d’un enfant, il se jeta
dans mes bras et me donna je ne sais combien de baisers sur les joues et de
tapes dans le dos. Qui diantre eût pu dire alors que, trois jours plus tôt, il
m’avait voulu appeler sur le pré pour une querelle de néant ? Tant est que
répondant du mieux que je pus à ses embrassements, je gageai en mon for que
l’étourdi poupelet avait déjà tout oublié de cet incident.
    Mon père jetait un œil étonné sur ces furieux embrassements
et, en effet, je ne lui avais jamais beaucoup parlé du petit marquis. Il y
avait une raison à cela. Bien qu’en qualité de grand maître de la garde-robe du
roi, il appartînt comme moi à la Maison du roi, en fait, on l’y voyait assez
peu. Il n’aimait pas le caractère grave et sévère de Louis et lui préférait de
beaucoup la compagnie de Monsieur et de ses jeunes amis, dont l’humeur joyeuse,
farceuse, bouffonne et insouciante était bien plus proche de la sienne. Quant à
moi, observant que le commandeur de Valençay sourcillait quelque peu à
l’exubérance de son neveu, je tâchai de me dégager par degrés insensibles des
bras du béjaune, ne voulant pas fâcher le poupelet par un désenlacement qui lui
eût paru brutal et m’eût valu – chi lo sa [46]  ? –un second appel
sur le pré…
    — Monsieur le Commandeur, dit mon père, nous sommes
comme vous, en ce château, des visiteurs attachés à la discrétion de notre
visite. C’est pourquoi nous oublierons vous y avoir vus, vous et votre neveu,
dès que nous aurons quitté Fleury en Bière.
    — J’en ferai autant pour vous, Monsieur le Marquis, dit
le commandeur avec un petit salut.
    Je remarquai qu’il s’engageait pour lui-même, mais non pour
Chalais, tant sans doute il jugeait faible l’aptitude de son neveu à garder un
secret.
    — Ce point étant acquis, reprit mon père (lequel, je le
sus plus tard, ne le trouvait que partiellement acquis), je vais charger
Monsieur Charpentier de dire à Monsieur le Cardinal qui vous êtes et quelle
haute fiance on peut avoir en votre parole.
    — Monsieur le Commandeur, dis-je à mon tour, peux-je
ajouter qu’il nous serait peut-être plus facile d’obtenir du cardinal qu’il
vous reçoive si vous trouviez bon de nous dire, aussi discrètement que vous le
pouvez, pourquoi vous le désirez voir.
    À cela le commandeur sourcilla, balança et parut fort troublé.
Non qu’il trouvât la requête déraisonnable, mais s’il y satisfaisait, que
devenait le secret dont il avait voulu entourer sa démarche ?
    — Monsieur le Comte, dit-il enfin, en choisissant ses
mots avec le plus grand soin, je suis de ceux qui pensent que, s’il arrivait
malheur au cardinal, il en résulterait une guerre civile en France qui mettrait
en danger la vie de beaucoup de Français et celle même de Louis.
    Ces paroles furent dites sur un ton de gravité qui ne laissa
pas de m’émouvoir. Je les trouvais aussi fort habiles, car le commandeur
m’avait laissé entendre qu’il allait mettre le cardinal en garde contre un
complot, mais sans le dire expressément et sans se découvrir le moindre.
    — Monsieur le Commandeur, dis-je, je partage votre
sentiment et je répéterai vos paroles fidèlement à Monsieur Charpentier sans y
changer un iota.
    Nous prîmes alors congé, non sans nous bailler, comme nos
absurdes coutumes l’exigent, dix compliments quand un seul eût suffi, sans
compter les saluts et les bonnetades qui n’ont, semble-t-il, de valeur en ce
pays que si on les multiplie.
    L’huis reclos sur le commandeur et Chalais, je retrouvai
devant la porte Monsieur Charpentier et, l’entraînant assez loin des Suisses,
je lui répétai à l’oreille les propos du commandeur.
    — Ma fé ! dit-il sotto voce, au

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