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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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menton sur
son double menton, son double menton sur ses tétins, lesquels quasi aussi gros
que ceux de sa Victorine, retombaient sur sa bedondaine, et celle-ci sur ses
cuisses. Si on avait pu voir son dos et son arrière-train, je suis certain
qu’on y eût retrouvé cette même construction flasque, annelée et retombante que
je viens de décrire.
    Mais plus encore que son aspect, sa conduite nous parut, à
mon père et à moi, extravagante, et à Hörner, odieuse. Siméon ne nous avait pas
priés de nous asseoir, ni quit de nous le but de notre visite, ni même
envisagés. Il n’avait d’œil – et quel œil amoureux c’était là – que
pour sa soupe.
    — Curé, éclata à la parfin Hörner d’une voix forte,
vous avez devant vous le marquis de Siorac et le comte d’Orbieu qui viennent
vous demander l’ouverture de la terre chrétienne pour trois de leurs hommes. Et
vous demeurez là assis, et comme enfoui dans vos coussins ! Qui pis est,
vous mangez et, qui pis est, vous claquez la langue !
    — Monsieur le Comte et Monsieur le Marquis, dit Siméon
en nous considérant d’un air vague et sans la moindre apparence de contrition,
je vous demande mille fois pardon. Mes jambes ne me portent plus guère, tant
est que la station debout m’est à dol. D’autre part, si je ne mange pas ma
soupe tout de gob, elle va refroidir, ce qui, vu la faiblesse de mon estomac,
me la rendra indigeste. Et cette indigestion s’ajoutera à tous les maux dont je
suis accablé par le Seigneur. Toutefois, Monsieur le Marquis, je vous ois avec
tout le respect que je dois à votre rang.
    Ayant dit, il remplit la louche qui lui servait de cuiller
et l’enfonça entre ses lèvres. Je jetai un regard à mon père qui m’entendit
fort bien et de notre chef, aussitôt, nous nous assîmes, non pas sur des
chaires à bras car il n’y en avait qu’une et le maître du logis l’occupait,
mais sur deux escabelles qui se trouvaient là.
    —  Hörner, dis-je, sprechen Sie bitte fur
uns ! Hier bleiben wir um Ihnen beizustehen [47] .
    — Curé, reprit Hörner, vous m’avez ouï ! Monsieur
le Comte vous demande l’ouverture de la terre chrétienne pour trois de nos
hommes.
    — Par malheur, dit Siméon, le cuiller toujours en main,
mais la pointe du manche reposant sur la table, comme s’il se préparait de
nouveau à passer à l’attaque, je n’ai plus, dans mon sémetière, qu’une
demi-douzaine de places et au train où vont les choses, ce serait miracle si
d’ici Noël le Seigneur ne rappelait pas à Lui une dizaine de mes
paroissiens ! Cependant, si cela convient à Monsieur le comte d’Orbieu, je
peux ensépulturer ses morts hors enclos, mais en terre consacrée.
    Hörner se tourna alors vers moi et dit en allemand :
    — N’acceptez pas, Monsieur le Comte ! Hors enclos,
cela veut dire que les chiens et les porcs pourront venir la nuit désenfouir
les morts et les manger !
    — Monsieur le curé, dis-je alors, de quoi est fait
votre enclos ?
    — De pierres sèches, Monsieur le Comte.
    — Fort bien, je doublerai votre enclos de mes deniers.
    — Ah ! Monsieur le Comte ! dit Siméon comme
épouvanté par cette perspective, cela ne se peut ! Si je double l’enclos,
cela diminuera de beaucoup le prix des tombes et mon casuel en sera très
affecté !
    Je n’en crus pas mes oreilles d’ouïr un aveu aussi
dévergogné et je vis que Hörner, bouillant de rage, allait éclater. Je lui fis
signe de se contenir. Je ne voulais pas d’une querelle qui eût beaucoup allongé
les choses.
    — Monsieur le curé, dis-je, je paierai les tombes dans
l’enclos à l’ancien prix que vous fixerez vous-même.
    — Voilà qui va bien, dit Siméon, enfournant une
nouvelle cuillerée de soupe dans sa bouche.
    Il fallut derechef qu’il l’ait réduite en bouillie et avalée
avant que nous puissions reprendre le débat.
    — Allons ! allons ! Monsieur le curé !
dis-je. Le temps presse. Par cette chaleur, les corps vont se décomposer !
    — Mais par malheur, dit Siméon, le creusement ne pourra
se faire ce jour d’hui, car mon fossoyeur est couché, atteint de fièvre
quarte !
    — Mes Suisses ouvriront la terre pour leurs camarades,
dit Hörner d’une voix rude.
    — Dans ce cas, dit Siméon, après avoir moulu, mastiqué
et avalé une autre cuillerée de sa soupe, je pourrai vous louer pics et pelles.
    — Ce ne sera pas nécessaire, dit Hörner avec la
dernière sécheresse. Nous avons les

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