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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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discours
de la façon méthodique, minutieuse et didactique dont il usait avec le roi
quand il voulait le persuader que la meilleure solution parmi tant d’autres à
une difficulté était justement celle qu’il préférait.
    — Messieurs, dit-il, notre entretien a éclairé un point
de grande conséquence. Il ne faut pas qu’il y ait affrontement entre nos
soldats et les gentilshommes de Monsieur. Quelle qu’en soit l’issue, elle
tournerait à notre désavantage. Il n’y a donc qu’une solution et d’Orbieu l’a
très bien énoncée. Il faudra que je ne sois pas là. Mais comment n’être pas là
sans offenser Monsieur ? À cela je réponds : mais en étant auprès de
Monsieur.
    — Auprès de Monsieur, Votre Éminence ? s’exclama
Schomberg, très alarmé. Mais quand ? Mais où ?
    — À la cour du roi, à Fontainebleau.
    — Vous iriez seul, Éminence ?
    — Avec vous-même et vos escortes, Monsieur, si vous
voulez bien m’accorder le privilège de votre compagnie.
    — Il vous est acquis, Éminence, dit Schomberg.
    Et mon père et moi acquiesçâmes avec chaleur.
    — Je vous remercie, Messieurs, dit Richelieu avec cet
air de gracieuse courtoisie qui n’appartenait qu’à lui. Nous partirons demain,
reprit-il, et assez tôt pour être à Fontainebleau au lever de Monsieur.
Monsieur se lève en général à huit heures. Et il n’est pas concevable,
ajouta-t-il avec un sourire, qu’il aille s’acagnarder au lit le jour où il a le
dessein de m’assassiner.
    — Mais, Éminence, dit Schomberg, encore très troublé,
vous allez vous jeter dans la gueule du loup !
    — Nenni, nenni, mon cousin, dit Richelieu avec gravité.
Le nom de roi est extrêmement puissant, et il n’y a de loups à la Cour qu’en
l’absence de Sa Majesté. En sa présence, il n’y a que des agneaux.

 
CHAPITRE IX
    Richelieu, jugeant que, ni mon carrosse, criblé par les balles
comme il l’était, ni mes Suisses, ne devaient être vus par les ennemis que
j’avais à la Cour, me commanda de les laisser à un quart de lieue de
Fontainebleau, dans une champêtre auberge dont l’enseigne, qui ébaudit fort
Hörner, représentait une autruche, animal tout à plein déconnu en son pays
comme dans le mien.
    Le cardinal, en attendant que je termine avec les Suisses
mes comptes et mes adieux, fit abriter son propre carrosse sous d’épais
ombrages qui le dérobaient aux regards, tandis que le mien était soigneusement
dissimulé dans une écurie et bâchée au surplus. Il ne devait demeurer là que le
temps qu’il faudrait pour que mon père fût reçu par le roi à Fontainebleau.
Après quoi, sans tant languir, le marquis de Siorac devait rejoindre L’Autruche (comme disait Hörner et ses hommes par gausserie) et départir incontinent avec
eux dans mon carrosse pour regagner Paris. Pour moi, j’allais demeurer auprès
du roi, puisque c’était là ma place et mon emploi.
    Sachant que Richelieu m’attendait, j’abrégeai autant que je
pus avec Hörner mes comptes, mais non pas leur montant, ajoutant au prix
convenu une somme de quelque conséquence pour soigner les blessés.
    —  À ch ! Herr Graf ! dit Hörner, je
vous fais un million de mercis ! Ce n’est pas souvent qu’on tombe sur un
gentilhomme ayant pour les soldats autant de considération. Et je ne vous cache
pas que mes Suisses et moi, nous allons quitter votre service à très grande
peine, tant nous fûmes heureux avec vous.
    — Capitaine, dis-je, mon regret égale le vôtre. Et j’ai
chagrin de me séparer de vous. En outre, je vous le dis comme je le pense, si
la fortune, un jour, me devait enrichir assez pour nourrir une suite nombreuse
de janvier à décembre, je serais fort heureux de vous embaucher, si vous y
étiez consentant.
    — Consentant ! Herr Graf ! Plaise au
ciel que cela se fasse !
    — Vramy ! dis-je. Ne seriez-vous pas marri de
quitter cette grande Paris et de vivre si souvent à Orbieu, parmi les vaches et
les moutons ?
    —  Gott im Himmel, Herr Graf [49]  ! Que
sommes-nous, sinon des paysans des montagnes suisses, lesquelles nous avons
quittées, la mort dans l’âme, pour ne point périr de verte faim ?
Cependant, le métier de soldat nourrit mal son homme, quand il ne le tue pas.
Nous menons en Paris, laquelle, sauf votre respect, Herr Graf, est ville
fort puante, une existence précaire, demeurant parfois désoccupés une ou deux
semaines à la file, faute d’être loués par un gentilhomme. Et

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