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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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pendant ce temps,
il ne faut pourtant pas discontinuer de nourrir les chevaux à suffisance et les
hommes, hélas, à insuffisance, les bêtes passant avant les hommes, comme je dis
toujours, car, point de bête, point d’escorte ! Et j’ajouterais encore un
grand merci, Herr Graf, pour les excellentissimes repues que vous nous
avez baillées dans les bonnes auberges de France, sans jamais lésiner sur la
chair et le vin. Peux-je quérir de vous, Herr Graf, quand le marquis de
Siorac départira de céans ?
    — Pas plus tard que demain.
    — J’en suis fort content, Herr Graf, car, pour dire
le vrai, il me tarde d’être de retour à Paris pour y vendre au meilleur prix la
part de picorée qui eût dû vous revenir et que vous avez eu la bonté de nous
abandonner pour les veuves des deux soldats tués. Pour l’instant, ces
chevaux-là demandent peine et picotin sans rien rapporter.
    — Capitaine, dis-je avec un petit sourire, dites à
l’alberguière de L’Autruche de mettre le picotin de ce jour sur
l’addition que je lui paierai lorsque vous serez départi. Toutefois, ces
chevaux étant maintenant à vous, il vous appartiendra de les entretenir sur le
chemin du retour, mon père payant seulement l’entretien des chevaux de
l’escorte.
    — Cela va sans dire, Herr Graf, dit Hörner qui
sentit fort bien, sous la gracieuseté du ton, ma petite rebuffade, laquelle je
m’efforçai aussitôt d’effacer en lui baillant une forte brassée.
    —  Ach ! Herr Graf ! dit-il. Es ist
eine grosse Ehre für mich !
    — Lebe wohl, Hörner [50]  !
    —  Lebe wohl, Herr Graf !
    Je me mis en selle, mais, comme je m’éloignais, Hörner
courut après moi et quit de moi ce qu’il fallait faire des deux prisonniers.
    — Mon père vous le dira. En attendant, traitez-les
selon leurs besoins et non, certes, selon leurs mérites.
    À mon approche, le cocher du cardinal dégagea son carrosse
des feuillages qui le cachaient, et comme je me préparais à démonter pour
m’aller excuser auprès de Richelieu de mon retardement, mon père approcha son
cheval du mien et dit sotto voce  :
    — Le cardinal sommeille. Ne le dérangez point. C’est un
homme qui ne souffre pas les temps morts. Il les utilise à merveille pour
réparer ses forces.
    — Où sont Schomberg et ses gardes royaux ?
    — Le cardinal les a renvoyés dans leurs quartiers. Il
ne veut pas apparaître au château sous escorte. Ce serait éveiller la méfiance
de ses ennemis.
    — Monsieur mon père, dis-je avec un sourire, vous voilà
déjà tout à lui !
    — Ne l’êtes-vous pas vous-même ?
    — Oh que si ! Me croirez-vous si je vous dis qu’en
mes prières, je supplie le Seigneur tout spécialement de le tenir en santé.
Elle paraît si fragile et il travaille tant !
    Le carrosse prenant le chemin de Fontainebleau, nous nous
mîmes à la suite, et je contai à mon père mon entretien avec Hörner et sa
question finale sur Barbier et Monsieur de Bazainville.
    — Le plus mauvais garçon des deux n’est pas celui qu’on
pense, dit mon père. Que vais-je faire d’eux ?
    — Les libérer dans les lieux et les moments qui vous
paraîtront opportuns. Avec cette condition supplémentaire pour Bazainville
qu’il devra demeurer un an éloigné de la Cour en sa maison des champs. Il l’a
promis.
    — Promesse, mon fils, qu’il faudra vérifier. Savez-vous
où cette maison est sise ?
    — À Sauvagnat-Sainte-Marthe, en Auvergne.
    — Qui vous fait croire que le sire tiendra
parole ?
    — Sa prudence. Il est assez fin pour comprendre que sa
présence à la Cour serait meshui fort gênante pour ceux qui l’ont employé
contre moi.
    Schomberg nous attendait à la grille du château et le
cardinal émergea de soi de son sommeil, dès que le carrosse roula sur les pavés
inégaux de la cour. En ce mois de mai, nul n’ignorait que le roi se faisait
réveiller à sept heures du matin, une heure avant Monsieur, parce qu’il allait
courir le renard ou le marcassin dans la forêt de Fontainebleau. À sa porte se
tenait le capitaine du Hallier dont je revis avec plaisir la grosse trogne, le
gros nez, la large bouche et la barbe rousse. Il repoussait de ses deux fortes
mains la foule des courtisans qui, malgré le matinal de l’heure, se pressait là
pour assister au lever de Sa Majesté : « Messieurs !
Messieurs ! disait-il. De grâce ! De grâce ! Ne pressez
point ! Savez-vous pas que je n’ouvrirai l’huis que sur

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