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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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« aider » me fit de prime
sourire en mon for. Qui pourrait être assez fat ou assez fol pour imaginer
qu’il pût prêter une main secourable au cardinal, dont le génie politique,
comme disaient ses amis, ou le machiavélisme, comme disaient ses ennemis, était
connu urbi et orbi  ? Mais en fait, je me trompais, et je m’en
aperçus à plusieurs reprises dans la suite : le cardinal faisait son miel
de toutes fleurs. Il écoutait très attentivement les avis qu’on lui donnait, en
pesait scrupuleusement les avantages et les inconvénients et, s’appuyant sur
les critiques qu’il en faisait, construisait sa propre opinion.
    — Messieurs, reprit-il, le projet d’attentat contre ma
personne, confessé d’abord succinctement par Monsieur de Bazainville, confirmé
ensuite dans tous ses détails par Monsieur de Chalais, vient d’être au surplus
corroboré cet après-midi par un envoyé de Monsieur qui me communique, de la
part de son maître, le désir de s’inviter ce soir chez moi, à Fleury en Bière,
avec une trentaine de ses gentilshommes. La visite de ce messager a coïncidé
avec l’ensépulture des trois morts de l’embûche et l’entretien s’est déroulé
avant l’arrivée de Monsieur de Schomberg. Tant est que l’envoyé de Monsieur
n’ayant pu voir, ni les Suisses d’Orbieu, ni les gardes royaux du maréchal, va
rapporter à son maître que je suis nu et sans défense en ce château. En outre,
le message de Monsieur étant oral et non écrit, il pourra toujours nier l’avoir
envoyé et même n’avoir pas été présent ce soir-là chez moi. Messieurs, voilà
les faits. Je vous les décris dans leur peu aimable nudité. Et voici la
question que je vous pose. Que me conseillez-vous de faire en ce
prédicament ? Monsieur le Maréchal, voulez-vous opiner ?
    — Éminence, dit Schomberg, si on veut assurer au mieux
votre sécurité, voici ce qu’il convient de faire. D’abord, dissimuler nos
forces. Ensuite, quand vos soi-disant invités pénétreront dans la salle du
festin, ils y trouveront, tapissant les murs, immobiles et la pique haute, les
trente Suisses d’Orbieu. Et juste avant que Votre Éminence pénètre dans la
salle pour présider le festin, on orra [48] quelque bruit dehors. Quand l’un de
vos invités, s’en inquiétant, ira jeter un œil, il verra mes trente gardes
massés en rang dans la cour.
    — C’est une solution, dit Richelieu. Monsieur de
Siorac, en avez-vous une autre ? dit-il en s’adressant à mon père.
    — Le dispositif de Monsieur de Schomberg est excellent,
dit-il, mais il n’empêchera pas un des mignons de Monsieur, tête folle et
brûlée, de tirer en plein repas un pistolet de sa poche et faire feu sur le
cardinal. Et à quoi serviront alors les Suisses dans la salle et les gardes
dans la cour ? Et qui leur voudra donner l’ordre de massacrer Monsieur et
sa troupe ? Et à quoi cela servirait-il d’ailleurs ? Le mal sera
fait. Je propose plutôt qu’on installe la troupe de Monsieur à table et qu’un maggiordomo vienne dire à Monsieur qu’à son regret, le cardinal ne pourra dîner avec
Monsieur car il est alité, saisi de fièvre quarte. Il va sans dire que dans
cette hypothèse, toute entrée dans les appartements du cardinal sera défendue
par les Suisses et les gardes.
    — Merci, Monsieur de Siorac. Voulez-vous opiner,
d’Orbieu ?
    — Éminence, si j’osais critiquer les projets
précédents, je dirais que leur principal désavantage est de rendre possible un
affrontement entre nos gardes et les gentilshommes de Monsieur. Et s’il y a
mort d’homme, les gens de Monsieur iront crier partout au guet-apens et ses
folliculaires s’en donneront à cœur joie contre Votre Éminence.
    — Dès lors, que proposez-vous ? dit le cardinal.
    — Que vous ne soyez pas là du tout, Éminence.
    — Mais, dit le cardinal, ce serait faire mortelle
injure à Monsieur que je ne sois pas là le jour où il s’invite chez moi.
    Cette remarque me prit sans vert et, me voyant muet,
personne ne pipa plus.
    — Messieurs, dit le cardinal avec un petit brillement
de son œil perçant, cet entretien m’a été des plus utiles, non pas par les
projets que vous avez proposés, mais par les critiques que vous leur avez
faites. Vous avez ainsi mis le doigt sur un principe essentiel à toute
politique : il ne faut pas augmenter le mal par le remède qu ’ on
a voulu y apporter.
    Il promena alors son regard sur nous et reprit son

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