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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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nôtres. Indiquez-nous seulement l’emplacement !
    — Il se trouve à la dextre de l’entrée du sémetière. Victorine va vous montrer.
    — Je ne veux pas de Victorine, dit Hörner, ni dans ce
monde, ni dans l’autre ! Je trouverai bien tout seul !
    Et il s’en fut à grandes enjambées. Les Suisses se relayant
pour creuser la terre chrétienne, il fallut peu de temps pour achever
l’ouvrage. Et quand les trois monticules de terre, étroits et longs, furent
finis, et bien égalisés du plat de la pelle, le cœur me serra étrangement. Je
vis plus d’un de ces rudes Suisses verser des larmes et je n’en étais pas fort
loin, ni mon père. Cependant, dans notre douleur, il y avait quelque ambiguïté.
Il me sembla que c’était moi que cette terre recouvrait à jamais. Nous croyons
toujours nous lamenter sur les disparus que nous aimons, mais c’est en fait
notre propre vie que nous pleurons, sachant bien que la mort marche dans notre
ombre dès le premier jour de notre naissance, qu’elle se gausse, chemin
faisant, de nos ambitions, de nos amours, de nos bonheurs et attend avec
impatience que la monstrueuse roue du temps nous amène à ses griffes.
     
    *
    * *
     
    Deux surprises nous attendaient à notre retour au château de
Fleury en Bière. La première était, dans notre chambre, une table fort bien garnie
et la seconde, qui n’a rien de culinaire, plaise au lecteur de me permettre de
la garder pour la bonne bouche. À peine étions-nous rassasiés et rebiscoulés
qu’on toqua à l’huis et sur notre entrant, Charpentier apparut et s’inquiéta de
la façon dont les choses s’étaient passées au presbytère. Nous lui en fîmes le
conte. Il sourit et quit de nous combien Siméon avait demandé pour l’ouverture
de la terre chrétienne. Il sursauta au chiffre que je lui citai, puis sourit de
nouveau et dit :
    — C’est plus du triple que ce qu’il exige d’un
paroissien. Mais, ne vous inquiétez pas ! Je lui ferai recracher le
surplus et vous le restituerai. Cela va vous surprendre, Messieurs,
enchaîna-t-il, le curé Siméon fut autrefois un très bon curé. Mais l’âge, ses
infirmités, l’amollissement de ses mérangeoises et par-dessus tout Victorine
ont fait de lui ce qu’il est meshui. Un goinfre, un chiche-face et un tyran
dans sa paroisse.
    — Ce n’est pas la première fois, dit mon père, que la
gouvernante fait le dégât dans une cure.
    — Ce n’est pourtant pas, dit Charpentier, que l’Église
ait manqué de pertinence en ce domaine. Estimant qu’un prêtre qui se voue au
célibat n’est peut-être pas très attiré par les femmes, il n’a pas voulu que le
curé dans sa cure soit servi par un homme, ce qui l’eût mis en suspicion de
bougrerie. Elle s’est alors résignée à lui donner une femme pour servante à la
condition que cette femme ait l’âge canonique. Ce qui veut dire que l’Église,
en sa sagesse, prévoyant le pire, a pris soin d’en limiter les conséquences.
    — Mais pourtant, dis-je, et même si la chasteté est
respectée, il se crée à la longue une sorte de lien matrimonial entre le curé
et sa gouvernante. Ce qui n’est pas de très bon aloi.
    — C’est bien ce qui s’est passé avec notre Siméon. Sa
Victorine l’adore, le dorlote, le mignote, le gave de bons petits plats. Tant
est qu’il est devenu avec l’âge une sorte d’enfantelet qui ne fait que ce
qu’elle veut, et elle veut beaucoup, décidant de tout dans la paroisse.
    — Y compris, dit mon père, des excommunications ?
    — Cela va sans dire.
    — Et quel en est le résultat ?
    — Oh ! Rien de grave ! L’excommunié communie
à la chapelle du château et l’évêque du diocèse écrit une lettre de blâme à
Siméon qu’il ne lit pas, Victorine l’interceptant.
    — Sait-elle donc lire ?
    — Pas du tout, mais elle reconnaît le blason de
l’évêque sur sa lettre-missive et sait que rien de bon pour son curé ne peut
venir de ce côté. À la fin de l’année, Siméon, atteint par l’âge, prendra sa
retraite chez les capucins où la soupe est beaucoup moins épaisse, et Victorine
chez les nonnes de la Visitation qui se feront un devoir de charité d’adoucir
son humeur.
    — Ma fé, dis-je, je les plains presque d’être séparés.
Un si vieux couple !
    — Moi aussi, dit Charpentier, mais l’intérêt de la
paroisse l’exige.
    À cet instant, on toqua à notre huis et ce fut alors,
lecteur, que la seconde surprise apparut, et

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