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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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bleue ! N’était-ce pas inouï qu’il me traitât ainsi
sans que j’eusse même ouvert la bouche, et devant toute la Cour ?
    Tandis que je retournais au château, au botte à botte avec
Schomberg et roulant dans ma tête des pensées amères, le maréchal, dès que nous
fûmes loin de la chasse, se mit à rire.
    — Mon ami, ne prenez donc pas la chose tant à
cœur ! Dès qu’il vous a vu, le roi a parfaitement entendu, vous
connaissant, que vous n’auriez jamais troublé sa chasse sans une raison
gravissime. Et sa colère, dès le premier mot, était feinte.
    — En êtes-vous certain ?
    — J’en suis tout à fait assuré. Toute cette scène
n’était que comédie. Elle avait pour dessein d’égarer les suppositions de la
Cour et de garder le secret sur le nouvel attentat, et sur la façon dont on
allait y parer. Et soyez bien certain aussi que le roi prolongera cette chasse
le temps qu’il me faudra pour rassembler des gardes et les mener à Fleury en
Bière.
    — Et moi, dis-je, moitié riant et moitié fâché, que
suis-je dans cette affaire ?
    — Un bouc émissaire que le roi n’a nullement
l’intention de sacrifier. Tout le rebours, il vous protège en faisant semblant
de vous punir. Qui peut vous soupçonner, après cette scène, d’avoir été le messager
qui lui a découvert les projets de Vendôme ?
    — Où serai-je consigné ?
    — Dans votre chambre, à L’Autruche où vous allez
vous rendre seul, avec la promesse de n’en point saillir pendant vingt-quatre
heures.
    — Ma fé ! dis-je. Je croyais bien connaître Louis,
mais je ne l’eusse pas cru si politique ni si habile à dissimuler.
    — Vous savez bien comme moi que les persécutions de la
reine-mère et de Concini en ses enfances lui ont appris la dissimulation. Louis
depuis, en a gardé l’habitude. Le cardinal, survenant, lui, en a appris les
ressources et maintenant Louis en joue, et de main de maître et je jurerais
qu’il y trouve même quelque plaisir.
    Là-dessus, Schomberg éperonna sa monture pour retourner à
Fontainebleau et commander au capitaine de Mauny – Du Hallier étant
« au grabat » – de rassembler la soixantaine de gardes qu’il
devait incontinent dépêcher à Fleury en Bière.
    C’est en prisonnier tout à fait libre que je regagnai,
songeur, l’auberge de L’Autruche , méditant les paroles que Schomberg
avait prononcées sur l’usage que faisait Louis de la dissimulation. Mais je ne
savais pas encore à quel point elles étaient justes : je ne le sus tout à
plein que deux semaines plus tard au château de Blois.
    Comme j’arrivais en vue de L’Autruche, je fus
rattrapé par un cavalier. C’était Clérac. Il paraissait revenir de
Fontainebleau, mais, ayant fait le détour que je lui avais commandé, il
revenait, en fait, de Fleury en Bière. Je le priai de se mettre au botte à
botte avec moi et bridant mon Accla, je lui posai des questions brèves
auxquelles brièvement il répondit. Oui, il avait remis la bague à Charpentier.
Oui-da, elle avait fait sur lui une forte impression. Oui, Charpentier avait
couru tout de gob chez le cardinal et en était revenu aussitôt, disant que
toutes les dispositions recommandées allaient être prises. Je lui redemandai la
bague, mais il me dit que le cardinal l’avait gardée par-devers soi, me la
voulant remettre en mains propres avec ses remerciements.
    — Monsieur de Clérac, dis-je, j’aimerais que vous preniez
avec moi votre repue de midi. L’avez-vous pour agréable ?
    — Monsieur le Comte, je le tiendrai à très grand
honneur.
    La petitime, le monstre velu, un valet et la Cathau vinrent
dresser la table dans ma chambre et au milieu du dîner que nous gloutissions tous
deux à dents aiguës, la petitime et la Cathau allant et venant pour nous
servir, nous ouïmes, venant du grand chemin, un martèlement de sabots qui
annonçait le passage d’une troupe nombreuse. J’allai incontinent déclore la
fenêtre et vis passer Monsieur de Mauny chevauchant en tête de soixante gardes
à cheval, trottant bon train dans la direction de Fleury en Bière. Vous ne
sauriez imaginer, belle lectrice, la bouffée de bonheur qui m’envahit à voir
passer ces braves gens courant faire un bouclier de leurs corps au cardinal, et
quelle impression de force ils me donnèrent en défilant en rangs par quatre sur
leurs vigoureuses montures en un ordre parfait, pas un cheval ne passant
l’autre. Qui vis-je alors surgir sous le bras par

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