Le Lys Et La Pourpre
son âge. Et je me suis apensé qu’en attendant, il vous plairait
peut-être de l’avoir comme écuyer en remplacement de La Barge. J’espère,
Monsieur le Comte, que vous ne trouvez pas ma requête trop impertinente.
— Impertinente ! m’écriai-je, mais elle me
comble ! Elle me ravit ! À condition que Nicolas consente à m’aider à
mettre de l’ordre dans ma chambre, car je n’ai pas non plus de valet. Je l’ai
laissé dans mon appartement du Louvre.
— Monsieur le Comte, dit Nicolas, avec un gracieux
salut, je suis de bon lieu, assurément, mais je ne me sens point si haut que je
ne fasse pour votre chambre ce que je faisais pour la mienne au château de
Clérac. Toutefois, si vous le permettez, j’emploierai, en catimini, pour m’aider,
les services d’une chambrière de la reine qui m’a pris en quelque amitié depuis
le séjour de la Cour à Blois…
Disant quoi, il sourit et Monsieur de Clérac sourit, et je
souris. Ma décision fut prise en un tournemain. Outre que, de toute manière, je
ne pouvais refuser l’offre de Monsieur de Clérac sans offenser un officier qui
avait si bien veillé sur mes sûretés à l’auberge de L’Autruche, quelques
mois seraient vite passés, si Nicolas était à ces fonctions inapte. Mais
j’inclinais à croire qu’il y serait tout à plein suffisant. Il avait l’air fort
éveillé et point aussi pointilleux que La Barge sur sa noblesse. J’avais trouvé
touchant qu’il parlât avec tant de simplicité de sa chambre au château de
Clérac et d’autant que ce propos me ramentut la mienne en notre hôtel de la rue
du Champ Fleuri, mon père insistant toujours pour que je la rangeasse moi-même
en mes adolescences, ma Toinon se bornant à balayer, à nettoyer les verrières
et à faire le lit ou, comme disait mon père plaisamment, « à le faire et à
le défaire ».
Au surplus, Nicolas était fort plaisant à voir, étant bien
pris, souple et vif, le cheveu noir bouclé, les yeux bleu clair et les cils
noirs, les cheveux retombant en boucles sur ses épaules, le teint comme on l’a
à vingt ans, un visage mâle et résolu, mais qui portait encore quelque reflet
de l’ingénuité enfantine et, chose à quoi je fus sensible, il était propre sur
soi comme un écu neuf, mais point du tout pulvérisé de parfums, comme le sont
ces coquardeaux de cour qui « à peine savent-ils moucher, qu’ils veulent
en grand lit coucher », comme disait Mariette.
— Nicolas, dis-je, vous me plaisez. Je suis bien assuré
que vous avez toutes les qualités requises pour faire un bon mousquetaire et,
se peut, un bon écuyer. Je vous prends donc à mon service pour un mois et suis
bien marri que ce mois ne puisse se prolonger, tant parce que le service du roi
vous appelle que parce qu’un successeur de La Barge m’attend déjà dans mon
domaine d’Orbieu. J’ajouterai, pour que les choses soient tout à plein claires,
qu’il est hors de question qu’une chambrière de Sa Majesté la Reine mette
jamais son pied mignon dans ma chambre… Mais, d’un autre côté, si elle y
pénètre en mon absence pour vous aider dans vos tâches domestiques, comment
m’en apercevrais-je ? Et comment pourrais-je vous en faire grief ?
— Monsieur le Comte, dit Nicolas, avec un nouveau
salut, je vous entends à merveille et suis d’ores en avant tout dévoué à vos
ordres.
Monsieur de Clérac départi, fort content de mon
acquiescement, je me mis incontinent à ranger ma chambre, aidé en cela par
Nicolas qui se révéla en cette tâche fort adroit, expéditif et gai, mais non
point, Dieu merci, babillard et gardant avec moi les distances qui convenaient.
De son chef, au surplus, il m’aida à changer mon pourpoint,
en quoi il se montra bien différent de La Barge qui rechignait à ces offices,
disant qu’ils relevaient d’un valet ou d’une chambrière, et non d’un
gentilhomme.
— Et maintenant, dis-je, allons présenter nos hommages
au roi en ses appartements.
— Monsieur le Comte, dit Nicolas, cet
« allons » veut-il dire que je vous doive suivre ?
— Cela va sans dire. N’êtes-vous pas mon écuyer ?
— Ma fé, je vais donc approcher le roi !
— Oui-da ! Et de près ! Puisque vous
franchirez à ma suite les balustres.
— Et que ferai-je, les balustres franchies ?
— Ce que je ferai : vous découvrir et vous
génuflexer.
— Et quoi d’autre, Monsieur le Comte, devrai-je
faire ?
— Tout voir, tout observer et vous
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