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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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tenir coi.
    Nicolas ne faillait assurément pas en perspicacité, car
après un moment de silence, il reprit :
    — Monsieur le Comte, y aurait-il là une personne que je
doive observer plus particulièrement ?
    — Oui-da. Celle-là même que je ne quitterai pas de
l’œil.
    Quand nous entrâmes dans la chambre royale, le bon docteur
Héroard prenait le pouls du roi, lequel répondit par un regard et un signe de
tête à mon salut et jeta un coup d’œil à Nicolas qu’il n’avait jamais vu.
    — Sire, dit Héroard, le pouls est bien frappé. Votre
diarrhée est-elle finie ?
    — Oui, dit Louis.
    — Comment s’est réveillée Votre Majesté ?
    — Doucement.
    — Votre Majesté sent-elle encore un grouillement dedans
ses boyaux ?
    — Plus du tout.
    — Votre Majesté a-t-elle appétit à déjeuner ?
    — Nenni. Je dînerai à dix heures.
    — Que désire Votre Majesté pour son dîner ?
    — Du beurre frais et du pain.
    — Sire, seulement du beurre frais et du pain ?
    — Oui. Quel visage me trouvez-vous ?
    — Bon, Sire. Comment vous sentez-vous ?
    — Sommeillant. J’ai peu reposé la nuit dernière. À midi
heure, je me remettrai au lit.
    — Voilà qui est sage, Sire, dit Héroard.
    Après quoi, le roi, qui était encore en chemise de nuit,
mais ne perdait rien pour autant de sa dignité, jeta un œil à tous ceux qui
étaient là, mais sans sourire. Bien qu’il s’efforçât de garder une face
imperscrutable, il me parut soucieux et, assurément, il y avait matière à
l’être avec les sanguinaires menaces suspendues au-dessus de sa tête et de
celle de son ministre.
    Comme on commençait à vêtir le roi, Monsieur de Chalais
entra, un peu en retard, comme il l’était toujours et Louis, avec une parfaite
dissimulation, adressa à son grand maître de la garde-robe le même regard et le
même signe de tête qu’à moi. Aussitôt, suivi de Nicolas, je manœuvrai pour
traverser la presse et me rapprocher de Chalais, ce qui fit que je passai près
d’Héroard qui leva, d’un air satisfait, l’index et le majeur en me jetant un
œil. Dès que je réussis à me trouver à côté de Chalais, je posai ma main sur
son épaule et lui fis un sourire amical. Il se tenait alors à une demi-toise [57] du roi que Soupite et Berlinghen
aidaient à se vêtir. Chalais me rendant mon sourire, ma main descendit alors
rapidement le long de son dos en un geste qui, j’espère, lui parut affectueux
et qui n’avait d’autre but que de m’assurer qu’il ne portait pas à cet endroit
une dague à l’italienne. Du Hallier se tenait aussi à une demi-toise du roi,
mais derrière lui, afin de couvrir son dos, comme je le soupçonnais, mais sans
en être sûr, car la trogne balourde et endormie du capitaine aux gardes ne
reflétait rien.
    Dès qu’il fut habillé, le roi se tourna vers moi et me
dit :
    — D’Orbieu, quel est ce jeune gentilhomme qui vous suit
comme votre ombre ?
    — Mon écuyer, Sire, pour le moment. Il est le frère
puîné du lieutenant de Clérac.
    — Pourquoi, pour le moment ? dit Louis.
    — Il est compté au nombre de vos mousquetaires, mais
trop jeune de quelques mois, il n’a pas l’âge encore d’être reçu dans cette
compagnie.
    — S’il ressemble à son aîné, dit Louis, il me servira
bien.
    Le roi était si avare en paroles aimables que celle-ci eût
étonné la Cour, si elle n’avait pas connu l’attrait que les beaux jeunes gens
exerçaient sur le roi, attrait qui s’exprimait parfois par des faveurs, mais
jamais par des actes. Cependant, la malignité est telle chez nos bons courtisans
que le bruit courut aussitôt que le favori en titre, Baradat, allait bientôt
perdre sa place.
    Après un dernier regard sur Nicolas, le roi franchit la
porte de sa chambre et se dirigea vers la chapelle où il était accoutumé
quasiment chaque jour à ouïr la messe. Je laissai passer Monsieur de Chalais
devant moi, ayant décidé de ne le suivre que s’il suivait le roi. Mais à peine
hors des appartements royaux, il s’éloigna d’un pas rapide dans la direction
opposée, l’air fort affairé. Je demeurai sur place assez longtemps pour
m’assurer qu’il n’allait pas se raviser, ni revenir sur ses pas. Et quand cinq
minutes se furent écoulées, je retournai à ma chambre, suivi par mon écuyer.
    — Eh bien, Nicolas, dis-je en me jetant dans une chaire
à bras tant je me sentais las d’être resté debout à piétiner sur

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