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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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l’ouïr.
Grande alors serait pour lui la tentation de se retirer dans sa coquille et
l’occasion d’en savoir plus sur Monsieur de Chalais serait à jamais perdue.
    Le visage de pierre et plus immobile qu’un roc, l’exempt
était campé sur le commandement qu’il avait reçu et je vis bien que ni la
colère ni la violence ne le feraient branler. Je décidai alors d’user en son
endroit de diplomatie, mêlant à la cajolerie une menace voilée, comme j’avais
fait pour Monsieur du Hallier quand je voulus savoir de lui dans quel coin de
Fontainebleau Louis était en train de chasser le marcassin.
    — Monsieur de Lamont, dis-je avec douceur, vous êtes un
fidèle sujet de Sa Majesté et je ne saurais trop vous louer d’obéir à ses
ordres. Toutefois, ma visite étant de la plus grande conséquence justement pour
les sûretés du roi, il serait désastreux qu’elles soient menacées par le fait
que je n’aie pas pu voir le cardinal. Et quelle bien injuste responsabilité,
Monsieur de Lamont, serait alors la vôtre ! C’est pourquoi je vous suggère
un moyen de me satisfaire sans violer vos consignes. Voici, dis-je en la
retirant de mon annulaire, une bague ornée d’un rubis qui a déjà servi de
messager entre Son Éminence et moi. Voudriez-vous de ce pas la lui
remettre ? Lui seul alors jugera si ma visite est urgente ou non.
    — Monsieur le Comte, dit Lamont qui parut terrifié à
l’idée de se présenter devant le cardinal, je ne saurais déranger Son Éminence
dans son travail ! Ce n’est pas Dieu possible !
    — Alors, dis-je rondement, contentez-vous de remettre
la bague à Monsieur Charpentier. Il verra s’il y a lieu de la porter ou non au
cardinal.
    — Mais, Monsieur le Comte, dit Lamont, l’œil désespéré,
c’est quasi du pareil au même, vu que Monsieur Charpentier travaille au côté de
Monseigneur !
    — Monsieur de Lamont, repris-je d’un ton sévère et
parlant avec quelque gravité, nous perdons du temps ! Et il me semble que
vous outrepassez vos ordres ! Car personne ne vous a défendu de
transmettre à Son Éminence un message émanant d’un membre du Conseil des affaires !
Si vous vous y refusez, je serai obligé d’aller trouver le roi, lequel, en ce
moment même, est en train de jouer à la longue paume dans le fossé de Sa
Majesté la Reine. Et outre que le roi sera fort irrité d’être dérangé dans son
desport par votre faute, encore une fois, Monsieur de Lamont, nous perdons du
temps et la menace contre les sûretés de Louis augmente à chaque minute !
    Cette affirmation était quelque peu outrée, mais elle
produisit l’effet que j’attendais : Lamont capitula, saisit la bague que
je lui tendis et la mort dans l’âme, franchit le seuil qu’il me défendait.
    Il revint à peine une demi-minute plus tard, escorté par
Charpentier, lequel, me saluant, me dit que le cardinal me donnait audience
sur-le-champ.
    — Monsieur de Lamont, dis-je, je vous fais mille
mercis. Vous avez agi, en ce prédicament, avec beaucoup d’à-propos.
    Je fis bien, après l’avoir tant rebroussé, de lui remettre
le poil en place, car, à partir de ce jour, il me montra beaucoup de
considération et me rendit quelques petits services d’autant plus volontiers
qu’il était demeuré béant comme devant un miracle de l’effet que mon rubis
avait produit sur le cardinal.
    L’entrevue fut courte et la décision rapide. J’appris à
Richelieu la teneur du billet que je venais de recevoir, et le cardinal ne me
posa qu’une seule question :
    — Pensez-vous que Louvigny pourrait charger Chalais à
plaisir de crimes imaginaires ?
    Je me donnai un peu de temps pour réfléchir avant de
répondre. Mais Richelieu qui pouvait, à l’occasion, brusquer son prochain avec la
pire brutalité et tout soudain se lever de sa table et battre sa tapisserie à
coups de canne parce qu’il était irrité, savait aussi, dans les occasions,
faire preuve d’une patience d’ange.
    — Éminence, dis-je à la parfin, Louvigny n’est que haine
et revanche à l’égard de Chalais, jusqu’à désirer ardemment l’estropier
jusqu’au restant de ses jours. Mais, à mon sentiment, il n’inventera pas de
fable.
    — Dites-lui que je le recevrai à onze heures, ce soir
et qu’il vienne d’abord dans votre chambre. Je l’y enverrai quérir par un
exempt et je vous serais très obligé de l’accompagner. Et encore qu’à cette
heure, peu de gens cheminent dans le château, il

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