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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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vaudrait mieux que Louvigny
porte un masque et vous aussi.
    — Que ferons-nous de son écuyer ?
    — Il demeurera avec le vôtre dans votre chambre.
    Cet entretien eut lieu à dix heures de la matinée et
l’entrevue du soir étant fixée à onze heures de l’après-dînée, cela faisait
treize heures à attendre. Treize heures assurément plus longues encore, et plus
anxieuses pour Louvigny que pour moi qui n’étais que témoin en cette affaire.
J’eusse pu demander au cuisinier de la Maison du roi de me porter une repue, et
j’en avais le droit, en tant que gentilhomme de la chambre. Mais pas plus qu’à
Blois je noulais exercer ce privilège. Ma pitance ayant à traverser tout le
château pour parvenir jusqu’à moi, elle eût été froide et assez peu ragoûtante
dès lors que je l’eusse portée aux lèvres. Et ce jour-là, comme les précédents,
je préférai aller dîner et souper, cette fois avec Nicolas, dans une champêtre
auberge, ce qui me permit d’échapper dans l’après-dînée à la touffeur de l’air
et de m’aller baigner dans la rivière de Loire tandis que Nicolas gardait nos
deux chevaux, mes deux pistolets bien visibles à sa ceinture pour décourager
les mauvais garçons qui écumaient les plages depuis l’arrivée de la Cour à
Nantes.
    Nicolas à mes côtés, je dépassai en trottant sur le chemin
qui longe la rivière une cinquantaine de gardes qui, démontés, faisaient paître
leurs montures dans un petit pré le long de la berge. D’aucuns de ces gardes
étaient fort occupés à empêcher les Nantais d’envahir la plage où Louis, comme
souvent, se baignait. Il est vrai que les bonnes gens auraient là sans doute
l’unique occasion de leur vie de voir le roi et, qui plus est, de le voir nu.
Spectacle dont, dans leurs récits, ils régaleraient leurs voisins et compagnons
jusqu’à la fin de leurs terrestres jours.
    Je demeurai une bonne demi-heure dans l’eau tant elle était
tiède puis, me rhabillant, je proposai à Nicolas de garder nos chevaux tandis
qu’à son tour il se baignait. Mais il n’y consentit pas, tant il était persuadé
que cette tâche était indigne de moi.
    Au sortir de mes ébats dans l’onde, le soleil me sécha en un
battement de cils. Il baissait à l’ouest avec une lenteur qui était à l’image
de cette journée entière où je ne laissai pas, pourtant, de goûter le charme et
la paix des ombrages qui garnissaient les rives et sur lesquels tombait, en
cette après-midi finissante, cette lumière douce et tendre qui n’appartient
qu’à la rivière de Loire.
    À onze heures moins vingt du soir, Monsieur de Louvigny,
avec son écuyer, se présenta à mon huis et à onze heures moins dix, Monsieur de
Lamont toqua à son tour.
    — Monsieur de Lamont, dis-je à l’exempt avec un sourire,
vous ne vous reposez donc jamais ?
    — Si fait, Monsieur le Comte, j’ai dormi deux heures en
cette après-midi.
    Et il pria Louvigny et moi de mettre nos masques.
    — Tête bleue ! Monsieur de Lamont ! dis-je.
Pas moins de six gardes pour nous escorter ?
    — Ce sont les ordres, Monsieur le Comte.
    Quels étranges sentiments me donna cette marche dans les
galeries désertes du château ! Un homme, devant Monsieur de Lamont,
portant une lanterne, un autre éclairant nos arrières et quatre des gardes nous
encadrant à dextre et à senestre, nous donnant l’impression, à Louvigny et moi,
que nous étions arrêtés, et allions, tous deux masqués, être reclos dans les
ténèbres d’un donjon.
    Mon humeur changea quand les gardes se mirent à marcher au
pas. Je fus alors comme entraîné à me mettre à l’unisson et Louvigny aussi, nos
bottes résonnant alors toutes ensemble sur les dalles tandis que s’allongeaient
sur les murs nos ombres géantines. Elles m’eussent paru tout à plein
effrayantes, si je n’avais pas moi-même fait partie de cette machine qui
avançait dans la nuit avec une régularité implacable, comme si son rôle eût été
de sceller les destins et de répandre le sang.
     
    *
    * *
     
    Monsieur de Lamont nous introduisit, Monsieur de Louvigny et
moi, dans le cabinet aux livres où, après avoir salué le cardinal, nous prîmes
place sur les chaires à bras que Monsieur Charpentier nous désigna. Deux
détails me frappèrent à l’entrant. Le nombre de chandeliers avait doublé et le
chat n’était pas là. Mais à mon sentiment, avec tout le respect que je dois à
Richelieu, il n’était pas nécessaire

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