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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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fleurdelisée ». Ayant fait, il se fit nommer par le roi
surintendant du Commerce royal.
    Restait cependant à Montmorency un fort grand domaine :
la marine de commerce, la marine de guerre, l’administration des ports, la
justice maritime, le droit d’entretenir des fortifications, de construire des
navires, de fondre des canons et le droit d’épave qui lui rapportait cent mille
écus par an. Richelieu tressaillit de joie quand le pauvre Chalais, au cours de
ses interrogatoires, compromit Montmorency.
    Le duc avait alors trente et un ans. Il était raffolé du gentil
sesso qui le lui rendait bien. Et le cercle des vertugadins diaboliques,
flairant là une bonne proie, n’eut aucun mal à l’attirer dans son sein, à
prendre sur lui un grand ascendant et à l’utiliser au service de la cabale
comme intermédiaire entre Monsieur et le prince de Condé. À vrai dire, tout ce
grand remuement n’eut que très peu d’effets, Condé demeurant dans une prudente
expectative. Tant est qu’on ne pouvait guère reprocher à Montmorency que
d’avoir blâmé publiquement le mariage de Monsieur et gagé qu’il ne se ferait
pas.
    Le roi et Richelieu, résolus à se défaire de lui, prirent
beaucoup de gants avec ce grand personnage. Fermement, mais doucement, avec
promesse d’oublier les erreurs du passé, on le poussa à démissionner de sa
charge d’Amiral de France. Mais pour compenser ce fiel par le miel, on lui
accorda une pension importante. Néanmoins, comme les deux charges, celle de
Lesdiguières et celle de Montmorency coûtaient au Trésor royal quatre cent
mille livres par an, cette économie-là fut la très bienvenue.
    Richelieu recueillit tout l’héritage de cette charge qui
faisait de Montmorency le roi de la mer et réduisait Louis à n’être que le roi
du sol. Mais il refusa, avec la dernière fermeté, le titre d’Amiral de France,
les honneurs dont cette charge était entourée et aussi les énormes émoluments
que son dignitaire recevait. Il renonça pareillement au commandement des armées
navales et même au fructueux droit d’épave qui fut d’ores en avant affecté à
l’entretien des navires de Sa Majesté. Richelieu entendait montrer par là qu’en
dépouillant Montmorency, il n’avait agi ni par ambition ni par cupidité, mais
pour renforcer le pouvoir de son roi, développer les richesses qui naissent du
commerce maritime et non pas créer, mais à tout le moins considérablement
renforcer une marine de guerre que les prédécesseurs de Louis avaient
tristement négligée. Il y songeait depuis longtemps déjà. Je l’ai ouï
s’indigner grandement devant le roi que des marines plus fortes que la nôtre,
celle des Anglais et des Espagnols, osassent pirater nos navires, gêner notre
pêche, débarquer impunément sur nos côtes, tandis que les Barbaresques en mer
Méditerranne ravageaient les rivages de Provence, s’emparaient de l’île de
Porquerolles, emmenaient son gouverneur en esclavage, et vendaient sa femme et
ses filles aux harems de leur pays.
    — La mer, disait Richelieu avec véhémence, n’est à
personne. Un souverain n’a droit sur ses côtes que jusqu’à la portée d’un coup
de canon. Au-delà, quiconque a la force fait la loi. Et jamais un grand État ne
devrait se mettre au hasard de recevoir une injure sans qu’il puisse s’en
revancher.
    Le roi convaincu, il ne resta plus à Richelieu qu’à donner
corps à son grand projet. Mais étendre et défendre notre commerce d’outre-mer,
protéger nos côtes, poursuivre les pirates, supposait qu’on créât une puissante
marine de guerre et le cardinal s’y employa avec une grandissime énergie sans
songer un seul instant que ce fardeau-là s’ajoutait à ceux qu’il portait déjà.
Témoin de ce labeur, je ne laissais pas que de m’intéresser à l’objet de tant
de soins et me ramentevant que j’avais deux demi-frères, Pierre et Olivier de
Siorac, qui avaient fondé à Nantes une maison de négoce maritime, j’entrepris
de rechercher ces parents que je connaissais à peine, mais dont mon père disait
grand bien, louant leur industrie, leur courage et leur persévérance. Et me
vêtant alors avec quelque simplicité pour ne point faire tache sur les quais,
j’allai, suivi de Nicolas, m’enquérir du lieu où gîtaient mes frères auprès des
marins du port.
    Las ! je reçus d’eux le plus rebuffant accueil. Occupés
à bichonner leur bateau ou à remailler leurs filets, c’est à peine

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