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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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fait ?
    — Vous ne parlez qu’au lecteur, vous le cajolez !
On ne compte plus les « Plaise à toi, lecteur ! » dont vous le
caressez. Vous en appelez à sa remembrance comme si la mienne ne comptait pas.
    — De grâce, Madame, ne me poignez pas tant !
N’ai-je pas toujours à vos questions amicalement répondu ? Et n’est-ce pas
un grand privilège que je vous ai concédé de me pouvoir interrompre à votre
guise pour un petit bec à bec ? Parlez, Madame, parlez ! Et une fois
de plus, étant votre serviteur, tout dévoué à vos ordres, je serai toute ouïe.
    — Monsieur, je suis révoltée ! On porte sur le
billot la tête de ce pauvre écervelé de Chalais mais on absout Monsieur et on
absout la reine ! N’est-ce pas inique ?
    — Pour être plus précis, Madame, c’est cette sorte bien
particulière d’iniquité qu’on appelle la justice d’État.
    — Et que va-t-il advenir de la duchesse de
Chevreuse ? Va-t-on l’absoudre, elle aussi ?
    — Pas tout à fait. Richelieu et le roi s’accordent à
conclure que de tous les acteurs de ce drame, c’était assurément la Chevreuse
la plus coupable. La reine, assurément, a mis en branle l’opposition au mariage
de Monsieur, mais la Chevreuse, de cette opposition, a fait une rébellion. Elle
a rameuté les Grands, excité les protestants et, pis encore, poussé Monsieur,
les Vendôme et Chalais à des entreprises criminelles. Néanmoins, le roi a jugé
qu’il n’était guère possible de lui faire son procès. Par son mariage avec son
demi-frère, le duc de Chevreuse, la duchesse appartenait à la puissante famille
des Guise et il était bien difficile de la traduire devant le Parlement sans
irriter non seulement les Guise, mais la plupart des grandes maisons de France.
Outre que pendant son procès, la Chevreuse pourrait dire beaucoup de choses
fort préjudiciables à la reine ou au roi, elle pourrait aussi arguer qu’elle
n’avait fait qu’obéir à sa maîtresse et qu’on ne pouvait lui faire grief de ce
qu’elle avait montré à l’égard de la reine une adamantine fidélité.
    — Et cet argument eût porté ?
    — Assurément. Plaise à vous, Madame, de vous
ramentevoir que la raison principale qui empêcha Louis de faire grâce à Chalais
était justement qu’il appartenait à sa propre maison. La fidélité au maître le
plus proche l’emportait dans les esprits sur la fidélité au maître lointain, si
auguste qu’il fût. Raison aussi pour laquelle le roi pardonna si facilement à
Bois d’Ennemetz et Puylaurens. Ils servaient Monsieur. Sur le sort de Madame de
Chevreuse, les ministres palabrèrent à l’infini pour pouvoir aboutir à un
accord et le roi trancha en décidant que Madame de Chevreuse devrait prendre le
chemin de l’exil.
    — Tronçonnade donc pour la Chevreuse.
    — Oui-da, mais non par Tronçon, lequel avait été
lui-même tronçonné par le roi, ayant pris parti – le fol ! –
contre le mariage de Monsieur. Ce fut Monsieur de Bautru à qui le roi demanda
de porter à la Chevreuse le message fatal.
    — Qui était ce Bautru ?
    — Monsieur de Bautru, comte de Serrant, était un grand
diseur de bons mots qui se gaussait de tous et de tout, fort redouté à la Cour
pour son esprit piquant et sa langue acerbe et assurément le gentilhomme le
plus indévot de la Cour.
    — Et Louis le Pieux le choisit pour cette
ambassade ?
    — Il y avait une raison à cela : Louis craignait
que la diablesse prit en grande détestation la personne même de l’ambassadeur.
Bautru ne courait pas ce risque.
    — Pourquoi ?
    — La Chevreuse le détestait déjà. Bautru avait écrit
sur son père, le duc de Montpazon, une mordante satire dans laquelle il se
moquait cruellement de sa balourdise, laquelle, à dire le vrai, dépassait les
bornes, même pour un duc et pair.
    — Monsieur, ne raillez pas les ducs et pairs.
Voulez-vous gager qu’un jour ou l’autre, le roi érigera votre comté d’Orbieu en
duché-pairie ?
    — Madame, je ne gage jamais contre mes propres
espérances. Puis-je poursuivre ? Ne voulez-vous pas savoir comment la
Chevreuse accueillit l’ordre de s’exiler de la bouche de ce Bautru mal
aimé ?
    — Et comment l’accueillit-elle ?
    — Avec noise et fureur, montrant les dents et sortant
les griffes :
    « — C’est mal me connaître ! rugit-elle. On
croit que je n’ai l’esprit qu’à des coquetteries ! Je ferai bien voir avec
le temps que je suis bonne

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