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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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vignes.
    En cette lettre, Saint-Clair me recommandait de voyager avec
une forte escorte, vu que de toutes parts lui venaient des rumeurs sur les
roberies et les meurtreries perpétrées sur les grands chemins par des bandes
armées.
    Il ne fallut rien moins que montrer cette lettre-missive à
Louis pour le persuader de me laisser quitter son service, fût-ce pour une
quinzaine. Tant il était jaloux du temps des gens qui le servaient qu’il ne les
laissait pas s’éloigner aisément de lui, allant même jusqu’à rabrouer tel ou
tel membre important de son Conseil parce qu’il n’y paraissait pas assez, lui
rappelant qu’étant de son Conseil et « en touchant les gages », il se
devait d’être présent. Que ne m’eût-il pas dit à moi, qui touchais, et les
gages de son Conseil et ceux de premier gentilhomme de la chambre, si je m’étais
avisé de quitter le service du Louvre sans son agrément ? Louis était bon
maître, parce qu’il était le plus équitable des hommes et à ses serviteurs très
affectionné, mais en toutes circonstances il entendait bien rester comme le
disait son père « le maître de la boutique » et nous le rappelait
vertement, s’il pensait que nous manquions à nos obligations ou à la
considération que nous lui devions.
    Outre Pissebœuf et Poussevent que mon père me prêta, je
louai douze Suisses pour mon escorte et je fus très heureux de retrouver ceux
qui avaient participé à mon expédition contre la girouette de Rapineau. Ils
n’étaient point assurément si vifs et si beaux que les mousquetaires qui
m’avaient accompagné à Durtal mais, à défaut de vivacité, le poids y était et
la vaillance aussi. En outre, ces robustes ribauds des montagnes ne faisaient
point tant de façons pour donner la main, en cas de besoin, au ménage des
champs : ce que je n’eusse jamais osé quérir des mousquetaires du roi,
lesquels étaient tous cadets de bonne maison et eussent trouvé déshonorant de
toucher pelle ou pioche. Étrange philosophie, quand on y pense ! Qui donc
maniait la pioche du temps d’Adam ? Et qui, alors, était le
gentilhomme ?
    Dès qu’il connaissait le jour de mon arrivée, Saint-Clair
tâchait d’en conjecturer l’heure, ce qui ne souffrait que peu de difficultés
puisqu’il savait que je départais toujours de Paris à la pique du jour. Il
envoyait alors au village le plus proche de ma seigneurie un chevaucheur qui
avait pour mission de guetter mon approche, et dès lors qu’il m’avait sûrement
reconnu, de retourner à brides avalées à Orbieu pour prévenir le curé Séraphin
et lui-même.
    Séraphin faisait sonner par Figulus les cloches de son
église dès que mon cortège apparaissait à l’entrée du domaine et Saint-Clair
avait le temps de rassembler en haut du perron tout le domestique de ma maison
pour me faire honneur.
    Cette pompe, du temps du défunt comte d’Orbieu (dont, avec
le consentement du roi, j’avais pris le titre, sa lignée étant éteinte quand
j’avais acheté le domaine), était observée et l’avait été de temps immémorial
et Saint-Clair opinait qu’il fallait maintenir ces usages et d’autant que ma
venue, beaucoup plus que celle du défunt comte, annonçait toujours quelque
avantage pour mes manants. Ceux-ci, à ouïr les carillons joyeux de Figulus,
sortaient de leurs chaumines le bonnet à la main, assez ébaudis que survînt un
événement imprévu dans la monotonie de leur dur labeur.
    Dès que mon carrosse s’arrêta au bas du perron, Monsieur de
Saint-Clair, qui avait revêtu sa plus belle vêture, descendit à ma rencontre et
je lui donnai, devant le domestique, échelonné sur les marches (les hommes à ma
dextre et les femmes à ma senestre), une forte brassée pour témoigner devant
tous de la grandissime estime en laquelle je le tenais. Puis, côte à côte, nous
gravîmes les degrés, chacun des hommes me baillant une bonnetade et chacune des
femmes, une révérence, au fur et à mesure que nous arrivions à leur hauteur,
saluts auxquels je répondais gravement par un signe de tête amical.
    Au sommet des marches se tenait Louison, Intendante de ma
maison, et Jeannette, Sous-intendante, avec des nuances dans la vêture qui
n’échappaient à personne, Louison portant un vertugadin qu’une bourgeoise eût
envié et Jeannette un cotillon un peu plus étoffé que celui de nos chambrières.
    Jeannette avait joué dans la vie de Monsieur de Saint-Clair
le rôle que Louison jouait dans

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