Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
soit pas trop et qu’ils ne s’y cassent pas les dents. N’aurais-tu pas
honte d’avoir nourri ces gens de nos rebuts, s’ils venaient un jour à te sauver
la vie ?
    — Monsieur le Comte, je ferai comme vous avez dit.
Êtes-vous raccommodé à moi ?
    — Oui-da, je le suis.
    — J’en suis heureuse, dit Louison d’un air doux et
chattemite, car Monsieur le Comte va bien se reposer et il en a besoin,
paraissant las et assez malengroin…
    Cet « assez malengroin » était une petite
impertinence, par où elle se revanchait de ma querelle. Mais je noulus la
relever, ne désirant pas lui chanter pouilles deux fois de suite, ayant très
faim et de mon dîner et de ma sieste.
    Quand celle-ci fut finie, ma Louison, toujours alerte au
labeur, me quitta d’un bond pour vaquer aux devoirs de sa charge et je quis
d’elle, comme elle franchissait le seuil, de m’appeler La Barge, lequel
apparaissant, je lui dis de seller son cheval et d’aller dire au curé Séraphin
que je comptais l’aller visiter dans l’après-dîner, sachant par Monsieur de
Saint-Clair qu’il était mal allant.
    La Barge fut bien plus long que je ne l’eusse cru et à son
retour, comme je l’allais tabuster pour son retardement, le béjaune me dit,
l’œil allumé et les joues comme gonflées de ce qu’il m’allait apprendre :
    — Monsieur le Comte, si vous aviez vu ce que j’ai vu,
vous entendriez le pourquoi de mon retardement.
    — Et quel est ce pourquoi ?
    — Ce que j’ai vu.
    — Je m’en doute. Diga me.
    —  Mais, Monsieur le Comte, cela demande quelque
préface.
    — Point de préface. Le fait nu. Paucis verbis [8] .
    — Monsieur le Comte, de grâce, oyez bien ce qui va
suivre. J’ai ouï par la fenêtre de sa chambre (ici, La Barge baissa la voix)
Monsieur le curé Séraphin besogner une garcelette.
    — Que faisais-tu à sa fenêtre ?
    — C’est là, justement, Monsieur le Comte, qu’une
préface serait utile.
    — Dis ta préface.
    — Je fus de prime à la porte du presbytère à laquelle
je toquai doucettement, sachant que Monsieur Séraphin était mal allant. Mais
n’obtenant point de réponse, je fis le tour de la maison et m’approchai d’une
fenêtre mal fermée d’où provenaient des gémissements.
    —  Quid de ces gémissements ?
    — Vous eussiez dit d’une assassinée, fort désireuse que
son assassin prolongeât son assassination.
    — Tu as pu te tromper sur la nature de ces plaintes.
    — Monsieur le Comte, étant consciencieux, j’ai voulu en
avoir le cœur net. Le rideau étant mal tiré, j’ai approché l’œil et j’ai vu.
    — Qu’est-ce que tu as vu ?
    — Ce que j’ai vu.
    — Bonne description. La Barge, écoute-moi bien. Je te
requiers avec la dernière insistance, de demeurer le bec clos et cousu, et à
jamais, sur ces visions et ces bruits que tu me rapportes.
    — Monsieur le Comte, je mettrai, puisque vous
l’ordonnez, un bœuf sur ma langue.
    — Cependant, je te vois tout déconcerté.
    — Mais je le suis, Monsieur le Comte.
    — La Barge, si tu ne le sais déjà, sache que le prêtre
ne prononce pas vœu de chasteté, comme le moine, mais vœu de célibat. C’est
tout différent.
    — Monsieur le Comte, dit-il après un instant de
réflexion, cela veut-il dire qu’il est moins peccamineux pour un prêtre que
pour un moine de coqueliquer ?
    — Assurément, un prêtre par là ne rompt pas un vœu. Il
ne fait que pécher. Et tout péché peut être remis après confession et
contrition. Les miens, les tiens, les siens.
    — Et les siens par qui ?
    — Par un autre prêtre.
    — Voilà donc qui va bien, dit La Barge en m’envisageant
de ses yeux naïfs. Cependant, reprit-il, quand on a pris la douce habitude que
voilà, il est quasi impossible de s’en passer ensuite. Ainsi, moi par exemple,
depuis que ma belle m’a quitté, je me sens tout seul et aussi désemparé qu’un
ivrogne sans son flacon.
    — La comparaison est galante. Est-ce pour cela que je
t’ai vu, à peine arrivé céans, donner le bel œil à Jeannette ?
    — Ha ! Monsieur le Comte ! Je l’ai vue si
pâlotte et si désolée depuis que Monsieur de Saint-Clair l’a quittée pour se
marier que mon cœur, à sa vue, a été pris de compassion.
    — La compassion est un noble sentiment, La Barge, et
qui te fait grand honneur, si tu t’y tiens.
    — Monsieur le Comte, y trouverez-vous à redire, si mon
cœur déborde un peu ?
    — La Barge, je ne suis pas

Weitere Kostenlose Bücher