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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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plus que la politique que Buckingham avait menée
dans son propre pays, elle ne servait en aucune façon les intérêts de
l’Angleterre. Son plan me paraissait, à y penser plus outre, aussi utopique que
son amour pour Anne d’Autriche. Il comportait deux difficultés également
redoutables : Buckingham devrait battre sur son propre terrain l’armée du
roi de France, laquelle aurait, bien moins que son armada, des difficultés de
renfort et de ravitaillement. Cette victoire acquise, il lui faudrait
convaincre les Rochelais de le reconnaître comme leur maître et, seigneur,
alors que les Rohan eux-mêmes, maugré le prestige d’une ancienne et illustre
famille, n’y parvenaient pas toujours. De toute évidence, c’était là, comme
aiment à dire les Anglais, « une bouchée trop grosse pour qu’il la pût mâcher ».
     
    *
    * *
     
    Dès mon retour en Paris, je courus au Louvre, demandai
audience au roi, et reçu par lui dans l’instant, je le trouvai avec le
cardinal, tant est que je pensai faire d’une pierre deux coups et de ne pas
avoir à répéter à l’un ce que j’allais conter à l’autre. Mais tel ne fut pas le
cas. Car en présence du roi, et afin de ne l’offenser point, j’omis tout ce qui
concernait le portrait de la reine à York House. Détail importantissime que je
crus bon, en revanche, de relater au cardinal, au bec à bec, sachant que
lorsqu’il étudiait les données d’une situation politique, il tenait le plus
grand compte des humeurs personnelles de l’adversaire : raison pour
laquelle, à mon sentiment, sa perspicacité était rarement en défaut.
    Ce qui ne voulait pas dire que Richelieu faillait en
intuition, tout le rebours. Il m’en donna une nouvelle preuve en l’entrevue où
le roi était présent.
    Sa Majesté, dont la méfiance – née de toutes les
humiliations subies en ses maillots et enfances – était un des traits les
plus marquants, ne crut pas un seul instant à la sincérité de Buckingham quand
il m’avait confié – « jouant cartes sur table » – qu’il
allait le lendemain départir pour Portsmouth afin de s’embarquer sur son
vaisseau amiral.
    Richelieu, sans le dire de prime, ne fut pas de cet avis,
mais avec le tact scrupuleux et les ménagements infinis dont il usait toujours
avec Sa Majesté, il imagina de me demander mon avis là-dessus, ayant bien
entendu, rien qu’à la façon dont j’avais conté l’affaire, que mon sentiment
allait dans le même sens que le sien.
    — Sire, dis-je en m’adressant au roi, pour autant que
je connaisse le duc de Buckingham (je prononçais « Bouquingan », car
c’est ainsi qu’en France on francise son nom), et je le connais quelque peu
depuis que j’ai passé une heure avec lui, il me semble qu’il n’usait pas de
ruse en m’annonçant qu’il allait départir le lendemain pour Portsmouth. Le duc
de Buckingham est très attaché à une certaine image qu’il veut donner de
lui-même : celle d’un grand seigneur qui agit, en toute circonstance,
d’une façon courtoise et chevaleresque. Et j’opine qu’il a bien réellement joué
cartes sur table en me donnant la date de son département.
    — De toutes façons, ajouta Richelieu d’une voix douce
et insinuante, pourquoi mentirait-il ? Son armada ne peut passer inaperçue
dans la Manche et dans l’Atlantique, puisqu’elle devra longer nos côtes pour
naviguer de Portsmouth à La Rochelle.
    — Cela est vrai, dit Louis.
    Il n’en dit pas plus sur le moment, mais le jour même, alors
que j’achevais de dîner avec mon père en son hôtel du Champ Fleuri, on me vint
prévenir que le cardinal m’attendait au Louvre. J’y courus et j’y trouvai de
prime Charpentier qui me dit que le roi m’allait dépêcher dès le lendemain à
l’île de Ré pour presser Monsieur de Toiras de pousser jour et nuit
l’achèvement de la citadelle Saint-Martin et pour lui apporter, à cette fin, un
gros sac d’écus.
    — Et un sac gros de combien d’écus ? demandai-je.
    — Cent mille, Monsieur le Comte. Et il n’y aura pas
qu’un seul sac…
    — Cent mille écus ! dis-je béant et quasi le
souffle coupé. Et comment diantre cela est-il possible ? le trésor est
plus à sec que rivière au Sahara et étant membre du Grand Conseil, je suis bien
placé pour le savoir.
    — Mais ce que, sauf votre respect, Monsieur le Comte,
vous ne savez pas, c’est que le cardinal, pour fournir aux débours de cette
guerre, vient

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