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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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mousquetaires de Monsieur de Clérac
et mon coffre rempli d’écus, je fus, comme on l’imagine, fort bien accueilli
par Monsieur de Toiras qui était à court de pécunes, tant pour payer ses
soldats que les maçons qui achevaient la construction de la citadelle. Il fut
heureux aussi que Clérac et ses mousquetaires vinssent en renfort de ses
troupes. Mais en revanche, il me parut tout soudain fort discordant et déquiété
d’apprendre de ma bouche que j’allais moi aussi demeurer en la citadelle.
    — Est-ce à dire, s’écria-t-il, l’œil jetant des
flammes, que vous êtes pour commander céans ? Est-ce là toute la
récompense que le roi a donné à mes peines et labeurs ? Sanguienne !
Dois-je me mettre d’ores en avant à vos ordres ?
    — Nenni ! Nenni ! Monsieur de Toiras !
dis-je en souriant. Tout le rebours ! C’est plutôt moi qui me devrais
mettre sous les vôtres. Vous savez la guerre et j’en ignore tout !
    — Qu’est cela ? dit-il, plus étonné qu’apazimé par
ce propos. Ai-je bien ouï ? Vous vous mettriez sous mes ordres !
Vous, comte d’Orbieu, premier gentilhomme de la chambre ! Membre du Grand
Conseil du roi et chevalier du Saint-Esprit ! Monsieur le Comte !
Vous vous gaussez, je crois !
    — Eh bien, disons, peut-être, pour être plus précis, je
ne serai ni dessus ni dessous, mais à côté.
    — Ah ! La belle précision ! dit Toiras.
Monsieur le Comte ! De grâce ! Éclairez-moi ! Qu’est-ce que cet
« à côté » et comment le définit-on ?
    Je fus alors quelque peu embarrassé, car Louis m’avait dit
de conseiller Toiras au sujet de la conduite à tenir avec Buckingham, mais je
voyais bien que, parti comme il l’était sur les chemins de la méfiance, Toiras
n’accueillerait pas bien volontiers mes conseils. Aussi décidai-je de lui
décrire mon rollet beaucoup plus modestement que n’avait fait le roi.
    — Je parle anglais, Monsieur de Toiras, et je connais
Buckingham. Le roi a pensé, en conséquence, que je pourrais servir de
truchement entre le duc et vous, si, comme on le croit, c’est bien dans cette
île qu’il va tâcher de prendre pied.
    — Ah mais voilà qui change tout et qui va fort
bien ! Très bien, même, assurément ! Ce truchement sera des plus
utiles ! Je vous fais mille mercis pour la bonne grâce que vous avez mise
à préciser votre mission !
    La bonace succédant alors à la tempête, ce grand vent de
colère tomba, laissant place à une plaisante bonhomie. Voilà, m’apensai-je, un
homme escalabreux et, comme dirait Mariette, « la tête près du bonnet mais
le cœur sur la main ». Et en effet, dès le moment que Toiras entendit que
je n’étais pas là pour lui rober son commandement, il m’envisagea d’un œil
amical, et me trouvant à son goût, il alla droit à moi et, à la franquette, il
me bailla une forte brassée.
    — Sanguienne ! dit-il, Monsieur le Comte ! Je
comprends maintenant pourquoi Monsieur de Schomberg vous porte aux nues !
Vous êtes tant modeste que vous avez de mérite. Et quand vous parlez, vous
tirez vos traits tout droit de l’épaule, et sans façon !
    Je lui dis qu’à moi aussi il plaisait fort et c’était vrai,
car si Toiras avait en sa personne une sorte de rudesse qui tenait à sa face
tannée, son gros nez, sa forte mâchoire et sa membrature carrée, en revanche,
l’œil était franc et fin, la lèvre gourmande, le sourire généreux et dès lors
qu’il ne jetait plus son feu, il n’y avait rien à reprendre à la courtoisie de
ses manières. Qui plus est, à son accent et à quelques expressions qui lui
échappèrent dans la suite de notre entretien, je m’aperçus qu’il parlait d’oc
comme mon père et parfois comme moi-même. Car, bien que je sois né en Paris,
j’aime à la fureur ces beaux vieux mots du Languedoc et ne laisse pas de les
employer en mon quotidien comme, de reste, en mes écrits.
    Toiras me fit incontinent visiter la citadelle qui était
inachevée encore dans certaines de ses parties (quoiqu’on y travaillât jour et
nuit) les fossés qui l’entouraient n’étant ni assez larges ni assez profonds et
les contrescarpes point assez verticales ni assez protégées. J’observai aussi
que la plupart des maisons intra-muros n’avaient pas encore reçu leurs toits,
ce qui voulait dire que les deux milliers d’hommes et les deux cents chevaux de
la garnison seraient exposés aux pluies et aux vents, lesquels même en juin,

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