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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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montra alors quelque déplaisir et aboya
furieusement quand il vit que l’escorte se divisait en deux. C’était un dogue
allemand de taille géantine, fort terrifiant à voir, quand il grondait comme
fauve en retroussant ses babines sur ses grosses dents, mais il s’apazimait dès
lors que Hörner lui tapotait la tête en disant : «  Guter
Hund ! Guter Hund [76]  ! » Sa voix, de forte qu’elle était, devenait alors plaintive et il jappait comme
un chiot, en se frottant contre les bottes de son maître.
    En cette visite de l’île, ce qui me frappa de prime fut que
je n’y vis ni champ de blé ni la moindre pâture et, en conséquence, ni vache,
ni mouton, ni même une chèvre. Ce qui me donna à penser qu’à part le vin, le
sel et le poisson, Ré dépendait du continent pour son envitaillement et que ce
serait là une circonstance bien inquiétante pour la citadelle, si nous venions
à être assiégés. Cependant, l’île n’était pas pauvre, car j’y vis une quantité
remarquable de marais salants et de vignes.
    — Au prix, dis-je, où nous payons le vin et le sel, les
Rétais doivent être riches.
    — Ils le seraient, dit Bellecroix, si vignes et marais
salants étaient tous à eux. Mais une bonne moitié appartient, en fait, à des
bourgeois bien garnis de La Rochelle et les Rétais n’en étant que les
manœuvres, ils en tirent plus de maux de dos que de sols. Cependant, les Rétais
ne s’expatrient pas. Ils aiment tant leur île qu’ils se hasardent peu sur le
continent. C’est que, chez eux, l’air est sain et il n’y fait jamais trop froid
ni trop chaud. Cependant, les arbres courbés et les maisons basses que vous
voyez témoignent que le temps peut, dans les occasions, être venteux et
tracasseux.
    Non sans quelque arrière-pensée que je dirai plus loin, je
m’intéressais plus particulièrement aux abords de l’île, laquelle a une forme
très allongée et possède, par conséquent, deux longues côtes : une, au
nord, que je trouvai peu hospitalière, bordée qu’elle était de hautes dunes, et
ne comportant pas le moindre havre ; l’autre, en revanche, était fort
découpée et abondait en baies. Ce qui me poussa à demander à Bellecroix, dès
que nous les eûmes toutes visitées, lequel de ces havres Buckingham, en son
opinion, allait choisir pour débarquer.
    — Le choix, dit Bellecroix, sera conseillé par Soubise
et Soubise connaît l’île de Ré admirablement et vous savez bien pourquoi.
    — Eh bien, dis-je, plaise à vous que nous passions les
havres en revue l’un après l’autre pour y voir clair. Que pensez-vous de la
Conche des Baleines, à la pointe nord de l’île ?
    — Nenni, nenni, elle est trop ouverte à l’océan.
    — Descendons donc vers le sud, le Fier d’Ars ?
Qu’en pensez-vous ? Il me semble que ce golfe-là est vaste et bien fermé.
    — Oui, il l’est, mais par malheur, il n’est pas
utilisable car il touche à des marais salants qui gêneraient beaucoup un
débarquement.
    — Et la rade de Saint-Martin ?
    — Elle est fort bonne mais trop proche de notre
citadelle. Nos troupes auraient peu de chemin à faire pour prendre l’armada de
Buckingham sous leur feu en plein débarquement.
    — Et l’Anse du village de La Flotte ?
    — Elle est trop proche, elle aussi, de la citadelle, et
trop petite.
    — La baie de Sablanceaux ?
    — Tope ! dit Bellecroix en souriant. C’est, pour
Buckingham, la meilleure de toutes, car elle est éloignée de notre citadelle de
plusieurs lieues. Elle est large, bien abritée, le tirant d’eau est bon, même à
marée descendante, la plage est assez grande pour qu’une armée puisse s’y
déployer. Et enfin, elle n’est séparée de La Rochelle que par un bras de mer
qu’un très bon nageur peut traverser à la nage. Grand avantage pour Soubise qui
voudra, dès qu’il aura touché terre, rallier par barque La Rochelle, afin de
pousser les Rochelais à s’engager aux côtés des Anglais.
    Le lendemain de cette visite de l’île qui, grâce à Hörner,
acheva de parfaire nos provisions et, grâce à Bellecroix, me garnit de quelques
idées claires sur notre situation, Monsieur de Toiras m’invita à dîner avec
Nicolas et le frère d’y-celui, Monsieur de Clérac et une demi-douzaine
d’officiers du régiment de Champagne [77] . La
hantise du débarquement anglais était grande en chacun de nous et l’entretien
ne pouvait qu’il ne débouchât sur la question de savoir

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