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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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mettre en pratique. Car dès qu’on se haussait quelque peu
au-dessus de la crête de la dune, une balle de mousquet sifflait rageusement
au-dessus de votre tête. J’étais donc plongé dans une incertitude complète sur
ce qu’il convenait de faire quand je vis Hörner creuser de la main un petit
tunnel dans le sable, lequel, me dit-il, devait déboucher du côté de l’ennemi.
Mais, à ma grande surprise, il ne creusait pas son tunnel perpendiculairement à
sa poitrine, mais obliquement. Je lui en demandai la raison et il me dit que
s’il creusait tout droit devant lui, le trou, quand il apparaîtrait de l’autre
côté, serait pris aussitôt en enfilade par l’ennemi, ce tir aboutissant à son
propre visage. Tandis qu’en creusant ce tunnel en oblique, les balles de
l’ennemi s’enfonceraient dans le sable sans l’atteindre.
    Quand il eut fini son ouvrage et que, du côté ennemi, notre
petit tunnel fut ouvert, à vrai dire fort petitement, je priai Hörner de me
laisser glisser la longue-vue, ce qu’il n’accepta que de mauvais gré, vu que ce
péril-là n’était pas insignifiant. Après avoir tâtonné quelque peu, je mis ma
longue-vue à point et j’aperçus un quidam qui observait nos forces monté sur la
hune d’un grand mât. Peut-être dois-je ici ramentevoir à ma belle lectrice
qu’une hune est une plate-forme fixée sur un mât, tant pour faciliter la
manœuvre des vergues que pour donner des vues lointaines sur les navires, amis
ou ennemis, ou sur les éventuels écueils, ou sur l’approche de terres
inconnues.
    Ces hunes sont parfois entourées d’un bastingage qui permet
à un homme de se tenir debout, les mains libres et l’œil collé à une
longue-vue. Dans d’autres cas, la hune, poste de guet, peut devenir le lieu
d’une punition cruelle : on y attache un marin au grand mât et on l’y
laisse vingt-quatre ou vingt-huit heures d’affilée, ballotté de dextre et de
senestre par le mât qui s’incline, exposé aux vents et aux embruns qui balaient
le gréement lors des tempêtes. Au-delà de quarante-huit heures, cette punition
peut être fatale au puni.
    Pour en revenir au guetteur anglais du grand mât, il était
fort prudent car, agenouillé ou assis dans la hune, il ne laissait dépasser que
sa longue-vue au-dessus du bastingage. J’augurai que, placé là où il était, il
avait des vues excellentes de l’autre côté des dunes sur notre armée. Il pouvait
même, grosso modo, la dénombrer. J’opinai qu’incontinent on retirât la
longue-vue du tunnel pour y glisser un mousquet et abattre le guetteur. Mais
Hörner me fit observer que cela ne serait d’aucune utilité, primo, parce
que le quidam serait incontinent remplacé, secundo, parce que notre coup
de feu attirerait l’attention de l’ennemi sur la crête de la dune, laquelle
serait aussitôt l’objet d’une mousquetade si violente qu’elle nous
contraindrait à nous mettre à l’abri, perdant ainsi toute vue sur l’ennemi.
Ayant ainsi, sur le conseil de Hörner, épargné le guetteur et sauvegardé notre
propre guet, je tâchai d’apercevoir comment se poursuivait le débarquement
ennemi. Ce que je réussis à faire, mais non sans mal, car ma longue-vue ne me
donnait que de gros plans et point de plan d’ensemble. Avec un peu de patience,
je réussis néanmoins par une série de déplacements de ma longue-vue à élargir
quelque peu le trou de sortie du tunnel et, par là, à avoir une assez bonne vue
sur le débarquement.
    Il s’effectuait de deux façons, soit par des barques à fond
plat dans lesquelles, hors de notre vue, on avait transbordé des soldats, soit
hors des vaisseaux eux-mêmes qui s’étaient mis à l’entrée de la plage, le
tirant d’eau étant suffisant pour qu’ils ne s’échouent pas. Je m’étais attendu
à voir pendre le long des flancs de ces navires des cordes ou des échelles de
corde grâce auxquelles les hommes auraient pu atteindre l’eau, car cet endroit
était peu profond. En fait, je vis des sortes de filets à mailles très grosses
et à cordes très épaisses auxquels les hommes s’accrochaient pour descendre,
maille après maille, jusqu’à la mer. Une dizaine d’hommes pouvaient à la fois
emprunter ce chemin, ce qui permettrait, à mon sens, un débarquement plus
rapide.
    Plus lent était celui des chevaux qu’il fallait soulever
dans les airs avec des palans avant de les laisser doucement amerrir. Par
malheur, on n’en avait pas fini avec eux,

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