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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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n’avait rien d’autre à dire que ce que je lui avais moi-même
communiqué. Cependant, quand à la fin, la fatigue aidant, il abandonna la
longue-vue à l’un de ses Suisses, il tourna la tête vers moi et dit en hochant
la tête d’un ton plein de sous-entendus :
    —  Die Pferden sind hundeelend.
    Ce qui voulait dire (formule qui me sembla très comique en
français) : « Ces chevaux sont malades comme des chiens. »
Toutefois, Hörner prononça cette phrase avec une telle gravité qu’elle excita
ma curiosité.
    — Malades comment ?
    — À ce que j’ai pu voir, ils ont pâti pendant les
semaines qu’ils furent en mer, brinquebalant de tous les côtés, n’ayant pas de
main comme nous pour se tenir, attachés pour leur sûreté, mais aussi pour leur
plus grand tourment, souffrant en outre du mal de mer et ne buvant pas assez,
comme cela se voit par le fait qu’ils essayent maintenant de boire l’eau de la
mer et la recrachent aussitôt. Et quand enfin ils atteignent la plage, ils
tiennent à peine sur leurs jambes, titubent et d’aucuns même se couchent :
ce qu’un cheval n’affecte pas beaucoup, quand il est sain et gaillard.
    — Combien de jours, à votre sentiment, leur faudra-t-il
pour se remettre d’aplomb ?
    — Pas moins de deux ou trois jours, Herr Graf.
    —  Hörner, dis-je, après m’être réfléchi un petit
sur cette remarque qui me parut de grande conséquence, je vais descendre en bas
des dunes et rechercher Monsieur de Toiras pour le départir de ces
informations. Si vous pouvez entretemps, et sans vous exposer outre mesure,
évaluer à l’œil nu combien il y a de soldats anglais sur la plage, pouvez-vous
me dépêcher un de vos Suisses pour me le dire ? Il me trouvera avec
Monsieur de Toiras. Mais par le ciel et tous les saints, Hörner, ne vous
exposez pas plus d’une seconde ! De reste, vous savez mieux que moi le
temps qu’il faut à l’ennemi pour armer un mousquet, le braquer, viser et faire
feu.
    Le lecteur se ramentoit sans doute que Hörner qui, à chaque
étape de nos voyages, aimait dire à ses Suisses : « Les bêtes avant
les hommes ! », était raffolé des maximes lapidaires, lesquelles lui
apparaissaient comme de la sagesse ou de l’expérience mise en pilules. Et à
cette occasion, il ne faillit pas à m’en servir une.
    — N’ayez crainte, Herr Graf  : « La
prudence avant la vaillance ! »
    Je trouvai Monsieur de Toiras non sans mal, le cherchant à
l’arrière de ses troupes, alors qu’il était à l’avant, et lui dis tout à trac
ma râtelée de ce j’avais vu. J’observai que la remarque de Hörner sur la
mauvaise condition des chevaux anglais faisait sur lui une vive impression.
    — Ainsi, dit-il, Hörner estime qu’ils ne pourront pas
être montés avant deux ou trois jours.
    — Cela même !
    — Eh bien, dit-il, j’en suis fort aise. Et cela me
résout à attaquer, car ainsi les choses sont beaucoup plus équilibrées. Les
Anglais ont une artillerie, mais ils n’ont pas pour l’instant de cavalerie. Et
moi je n’ai pas d’artillerie céans, mais j’ai une cavalerie. Cela veut dire
qu’après avoir attaqué les Anglais, je pourrai faire retraite sans que les
cavaliers anglais taillent des croupières à mes gens de pied !
Morbleu ! dit-il en parlant d’oc, voilà qui me rebiscoule tout à plein.
Vous vous demandez sans doute, dit-il en reprenant son entrain coutumier,
pourquoi je n’ai pas, jusqu’ici, lancé l’attaque. Je vais vous le dire. Tant
qu’ils n’étaient qu’une centaine à toucher terre à Sablanceaux, je craignais
qu’il y eût là une feinte pour m’immobiliser céans, tandis que le gros du
débarquement se ferait derrière mon dos dans la rade de Saint-Martin-de-Ré.
    — Mais voici un quidam qui va nous renseigner sur le
nombre à tout le moins approximatif des Anglais débarqués, dis-je en apercevant
un des Suisses de Hörner qui tâchait de se faufiler entre les rangs des soldats
pour s’approcher de nous, et qui y encontrait, de leur fait, quelques
traverses, pour ce qu’ils ne le connaissaient point. Je courus lui ouvrir le
chemin et j’attendis de l’avoir ramené à Monsieur de Toiras pour lui demander
ce qu’il en était.
    — Le capitaine Hörner, dit-il en allemand, opine qu’il
y a meshui sur la plage au moins deux mille Anglais.
    Je traduisis et Toiras éclata d’allégresse.
    — Morbleu ! s’écria-t-il, oubliant les doutes
qu’il venait

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