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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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ton ange gardien. Mais prends
garde que ce débordement ne jette pas la pauvrette dans un prédicament bien pis
que celui où elle est. Or çà ! Assez parlé ! Tu vas retourner chez
Monsieur Séraphin, toquer ferme à son huis et lui dire que je suis bien marri
qu’il soit mal allant et qu’il me mande quand il sera rebiscoulé afin que je
puisse l’inviter à dîner. Et si tu vois la garcelette gémissante, garde-toi de
l’assassiner de regards indiscrets.
    Ce soir-là, dès que ma Louison vint me retrouver en ma
chambre, je quis d’elle si elle connaissait la nièce du curé Séraphin.
    — Angélique ? Ce n’est pas facile de la voir, sauf
le dimanche à la messe. Et vous diriez une nonnette tant elle est empaquetée
dans ses voiles.
    — Et quid du bruit qui court sur elle et le curé
Séraphin ?
    — Monsieur le Comte, s’il court, c’est qu’il a de
bonnes pattes.
    — Et pourquoi ne m’en as-tu rien dit ?
    — Était-ce à moi à jeter la première pierre à
Angélique ?
    — À la bonne heure ! Voilà qui est vraiment
chrétien ! Qu’en disent nos manants ?
    — Ils s’en gaussent, mais à voix basse et sans
méchantise.
    — Se peut qu’ils respectent moins leur curé.
    — Se peut, dit Louison avec un petit rire, qu’ils
respectent l’homme davantage.
    — Et toi ?
    — Moi, Monsieur le Comte, j’aime bien mon curé. Il faut
voir avec quel tact il me confesse ! Que je me demande même parfois si
pécher avec vous, c’est vraiment pécher…
    — Louison, je te prie, pas d’impertinence !
Saint-Clair est-il au courant ?
    — Comment ne le serait-il pas ?
    — Qu’en pense-t-il ?
    — Monsieur le Comte, Saint-Clair vous met au-dessus de
tout être humain et tout juste après le Seigneur Tout-Puissant. Votre opinion
là-dessus sera évangile pour lui.
    — Et quelle est mon opinion, puisque tu sais
tout ?
    — Qu’on ne peut pas être tout ensemble indulgent à soi
et sévère pour Séraphin.
    — Que voilà, dis-je, une petite futée !
    Et la prenant dans mes bras, je perdis par là toute
possibilité de conversation utile.
     
    *
    * *
     
    Le lendemain, j’eus à dîner Monsieur de Saint-Clair, sa
jeune épouse Laurena et son beau-père, Monsieur de Peyrolles. Et comme
celui-ci, outre ses liens avec le jeune couple, est mon plus proche voisin,
possédant même un bon tiers de mon bois de Cornebouc, le dîner s’eût pu
dérouler sans tant de vêture et de dorure, à la franquette. Mais point ne
l’entendait ainsi Monsieur de Peyrolles, bourgeois très bien garni qui, n’étant
guère enclin à mettre son opulence sous le boisseau, roulait en carrosse doré
et s’habillait comme un seigneur. Cette pompe commanda la mienne et, voulant
revêtir mon plus bel habit, je commandai de prime à Louison de me laver le
cheveu et de l’apprêter au fer, ce qu’elle fit à merveille, la dernière vague
de boucles retombant sur mes épaules avec un gonflement qui me parut très
heureux. Je n’osai demander à Louison de rafraîchir le contour de ma moustache
et de mon collier de barbe, mais ayant trouvé un rasoir dans mes affaires, elle
le fit de son propre chef avec une habileté émerveillable, tant est que j’eusse
été à la parfin fort satisfait de ses services, si en promenant son rasoir sur
ma gorge, elle n’avait profité du silence où j’étais contraint, pour réduire en
miettes la beauté de Laurena de Saint-Clair, la décrivant comme « une
blondasse fade aux yeux délavés ».
    C’était là calomnie toute pure. Les beautés célèbres de la
Cour : la princesse de Conti, Madame de Guéméné et la duchesse de
Chevreuse eussent eu fort à faire s’il y avait eu un concours entre elles et
Laurena, pour empêcher le beau pâtre Pâris de donner la pomme à ma petite
voisine.
    Elle avait les cheveux du blond le plus doré, les yeux de
l’azur le plus pur, une taille fine et souple, des rondeurs à rêver et
par-dessus tout une fraîchelette jeunesse qui éclatait dans un teint qui ne
devait rien au pimplochement de nos dames de cour. Ses yeux, outre leur beauté
propre, avaient une expression charmante. On eût dit qu’elle venait à peine de
s’éveiller à la vie et qu’avec surprise et ravissement, elle la trouvait belle.
Il est vrai qu’assise à ma table, dans ses plus beaux atours, elle y siégeait
comme une reine, étant adorée par son père, par Saint-Clair et par moi. Et
tantôt regardant Saint-Clair et tantôt ne le

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