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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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conscience le remordît un
peu plus.
    — Monsieur le Curé, dis-je avec quelque froideur, le
suicide est assurément plus peccamineux que la grossesse hors mariage.
Toutefois, le plus pardonnable des deux péchés peut amener l’autre, comme cela
s’est vu si souvent en nos villages où l’étang a plus d’une fois joué son rôle
funeste. L’engrosseur n’est donc pas blanc comme neige.
    — Cela est vrai, dit Séraphin en baissant les yeux.
    Étant plus fin que son physique ne laissait supposer, il
sentit ma rebuffade sous le propos courtois et prit le parti de s’accoiser.
    — Cependant, repris-je, le mal est fait et il faut
veiller, maintenant, à ce qu’il se limite à soi et ne débouche pas sur un mal
plus grand. Il va sans dire que le secret me paraît la condition première de tout
accommodement ; Hans l’a bien compris qui introduisit Angélique au château
par une porte dérobée, et Louison aussi, qui l’a logée dans l’aile gauche où,
sauf en été, les domestiques ne vont jamais. Angélique est soignée et veillée
par ces deux-là dont les lèvres sur mon ordre sont et resteront scellées. Quant
à moi, je ne toucherai mot de ces circonstances ni à Monsieur de Saint-Clair ni
à Monsieur de Peyrolles, non que je n’aie fiance en eux, mais ne sachant s’ils
prendraient la chose aussi modérément que moi, je préfère être le seul à en
décider. Toutefois, si Angélique devait demeurer plus longtemps céans, je doute
qu’à la longue le secret se pourrait garder, d’autant qu’il lui faudra un jour
accoucher. Je propose donc, si vous le tenez pour raisonnable, de l’emmener en
Paris sous le prétexte qu’elle souffre d’hydropisie et qu’il la faut soigner.
Une fois à Paris, il sera possible de la loger en mon hôtel de la rue des
Bourbons, veillée, chauffée et nourrie par le domestique qu’il y faudra, afin
qu’elle y fasse ses couches, et avec une sage-femme assurément plus propre que
celle d’Orbieu. Ses couches faites, votre nièce reviendra à Orbieu, guérie et
seule, reprendre sa place auprès de vous. L’enfant ne viendra que plus tard,
accompagné d’une nourrice, avec un nom d’emprunt, fils supposé, par exemple, de
mon maggiordomo et vivra au château.
    — Monsieur le Comte, murmura Séraphin d’une voix basse
et émue, je ne saurais vous dire avec quelle gratitude…
    — Alors, ne dites rien, Monsieur le Curé, dis-je promptement.
    — Mais, reprit-il d’un ton assez humble, ces voyages
ces séjours, cette sage-femme, tout cela, Monsieur le Comte, va coûter une
fortune !
    Il me parut que là, le paysan chiche-face et pleure-pain
réapparaissait sous le prêtre, et bien que je m’en amusasse en mon for, je
noulus laisser Séraphin dans ses anxiétés.
    — Ces frais, dis-je, seront à la charge du seul qui
puisse les assumer céans pour la paix et l’honneur de l’église d’Orbieu.
Toutefois, Monsieur le Curé, vous pourriez, dans un tout autre domaine, faire
un petit sacrifice, vous aussi, pour la paroisse, sacrifice que je ne vous
cache pas que je verrais d’un bon œil.
    — Et lequel ? dit Séraphin.
    — J’ai ouï dire que cinq des familles parmi les plus
pauvres d’Orbieu sont dans vos dettes, parce qu’elles n’ont pas fini de vous
payer l’ouverture de la terre chrétienne pour leurs défunts. Vous pourriez leur
remettre ces dettes à l’occasion des mesures que je serai moi-même amené à
prendre cet été pour les secourir, la récolte du blé s’annonçant d’ores et déjà
si maigre, vu la froidure et le défaut de pluie.
    — Mais ce serait un très mauvais exemple pour les
autres paroissiens ! s’écria Séraphin en levant les deux mains en l’air.
Ils voudront tous une diminution, quand leur tour viendra d’enterrer leurs morts !
    — Nenni, nenni, nous leur dirons qu’il s’agit d’une
mesure exceptionnelle, prise pour parer à la disette, sinon même à la famine.
Allons, Monsieur Séraphin, un bon mouvement ! Qui connaît mieux que vous
la valeur rédemptrice d’un sacrifice ? Et n’avons-nous pas tous, et
toujours, quelque petite faute à nous faire pardonner ?
     
    *
    * *
     
    Mon partement d’Orbieu se fit à la pique du jour, avant même
que le domestique du château se désommeillât, car je noulais qu’aucun pût
apercevoir Angélique entrer dans mon carrosse, encore que Louison l’eût tant
emmitouflée et encapuchonnée qu’elle n’était pas reconnaissable. Il est vrai
qu’il

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