Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
épouse la Bastille quelques jours. Elle refroidira son humeur.
    — À votre commandement, Sire ! dit Du Hallier qui
pivota sur ses talons et, d’un pas rapide, sortit de la chambre.
    Il me conta plus tard que, connaissant l’humeur batailleuse
du comte de Guiche, il alla de prime quérir une demi-douzaine de gardes qui, en
même temps que lui, pénétrèrent dans l’antichambre et entourèrent Guiche, la
pique basse.
    — Chalais, dit le roi à son grand-maître de la
garde-robe, va voir si tout se passe bien et demande au comte de Guiche s’il a
quelque message par ton truchement à m’adresser.
    Chalais traversa la chambre avec la légèreté d’une ballerine
(il était fort bien fait et adroit à toutes sortes d’exercices) et revint dire
avec un air de pompe et d’importance :
    — Sire, le comte de Guiche dit qu’il vous aime et que
c’est par la rage qu’il avait de ne point vous voir qu’il a fait toute cette
noise à votre porte, qu’il est venu à résipiscence et vous présente ses plus
humbles excuses.
    — Voilà qui va mieux ! dit Louis. Nous verrons à
ne pas laisser Monsieur de Guiche se geler plus de trois jours à la Bastille.
Et maintenant, poursuivit-il, avec un regain d’énergie, comme si d’avoir puni
Guiche l’avait remis dans son assiette, il ne se peut qu’un beau cerf ne nous
attende dans la forêt de Fontainebleau. Allons voir si nous le pouvons
débusquer. Chalais, vous m’accompagnez à Fontainebleau. Siorac, voyez si mon
cousin le cardinal peut vous donner audience. Il a sans doute beaucoup de
choses à vous dire.
    À peine eut-il franchi la porte que Berlinghen courut pour
la reclore derrière lui, Louis ayant horreur qu’une porte demeurât béante.
Chalais fit alors la grimace et dit tout haut d’un ton fort dépité :
    — Je ne trouve pas que Louis ait bien fait d’envoyer
Guiche à la Bastille pour cette querelle de néant. Ce n’est pas ainsi qu’un roi
doit traiter sa noblesse.
    Je fus béant d’une critique si acerbe et aussi crûment
formulée, faite dans un tel lieu et, qui pis est, en présence des valets de
chambre. Dans le chaud du moment, prenant Monsieur de Chalais par le bras, je
le tirai à part et lui dis sotto voce :
    —  Marquis, voulez-vous me permettre de vous
bailler un amical avis ?
    — Comte, venant de vous, qui êtes mon aîné, je
l’accueillerai avec la plus vive gratitude.
    — Je suis, en effet, votre aîné, dis-je, de plus de dix
ans. Et quel bonheur est le vôtre, Marquis, d’être ce que vous êtes à dix-huit
ans ! Seules, de bonnes fées se sont penchées sur votre berceau !
Talleyrand par votre père, Monluc par votre mère, vous appartenez à deux des
meilleures familles du royaume. Pour cette raison, vous avez été en vos
enfances un des petits gentilshommes d’honneur de Louis. Vous avez joué et
grandi avec lui, et avec Monsieur, et avec ses sœurs. Votre mère, la plus
adorable des femmes, vous a acheté, dès que vous fûtes d’âge à la remplir, la
charge de grand-maître de la garde-robe du roi. Et j’ai ouï dire qu’y ayant
engagé la meilleure partie de son bien, il lui reste à peine de quoi vivre…
    — C’est vrai, dit Chalais, les larmes lui venant aux
yeux.
    — Qui plus est, grâce aux entreprises et aux remuements
de la plus affectionnée des mères, vous avez épousé un des partis les plus
enviés de France, la sœur du conseiller de l’Épargne, haute et richissime
veuve, dont le cœur ne bat que pour vous !
    — C’est vrai encore.
    — Et enfin, vous avez le bonheur, comme moi, Marquis,
de vivre tous les jours dans la familiarité du roi.
    — Comte, dit Chalais en levant un sourcil,
pardonnez-moi, vous me contez de long en large l’heureuse fortune qui est la
mienne, mais étant mieux placé que personne pour la connaître, je me demande à
quoi rime ce conte.
    — À vous ramentevoir, Marquis, votre bonheur et à vous
mettre en garde.
    — À me mettre en garde ? Contre qui ?
    — Mais contre vous-même.
    — Contre moi ? Voilà qui est plaisant !
    — En un mot comme en mille, Marquis, permettez-moi de vous
le dire en toute amitié, et à la franche marguerite : la Cour est un lieu
où il faut mettre un bœuf sur sa langue, et ne jamais parler des personnes,
surtout quand cette personne est le roi.
    — Qu’ai-je donc dit de Louis ?
    — Vous l’avez critiqué.
    — Moi, je l’ai critiqué ?
    — À l’instant.
    — Qu’ai-je

Weitere Kostenlose Bücher