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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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côtés en ce voyage.
    — Monsieur Charpentier, dis-je, il est possible que sur
le chemin de Fleury en Bière, nous ayons maille à partir avec des gens qui
nourrissent des projets criminels à l’égard du roi et du cardinal et aimeraient
de prime, à titre d’exemple, s’en prendre à leurs serviteurs.
    — Je m’en suis douté, quand le voyage a été retardé,
dit Charpentier, la face imperscrutable. Monsieur le Comte, ajouta-t-il, je ne
suis pas un homme d’épée, mais si je puis apporter mon aide en cas d’embûche,
je suis votre homme.
    — Savez-vous charger un pistolet, Monsieur
Charpentier ?
    — Oui, Monsieur le Comte, je suis natif de Paris, bonne
ville où chaque matin, comme bien on sait, on trouve de quinze à vingt cadavres
sur le pavé : braves gens qu’on a occis sur le coup de deux heures du
matin à l’heure où les lanternes s’éteignent. Mais même quand elles sont
allumées, le danger est grand. Pour moi, quand je rentre tard, je suis
accoutumé à marcher au mitan de la rue et quasiment dans le ruisseau, un
pistolet chargé dans chaque main et les deux dissimulées sous les plis de mon
mantelet.
    — Et si vos agresseurs sont plus de deux ?
    — J’ai trois cotels cachés dans mon pourpoint.
    — Et comment en usez-vous ?
    — Je les lance l’un après l’autre.
    — Eh quoi ! Monsieur Charpentier ! Vous savez
lancer le cotel ! dit mon père.
    Bien savions-nous, par La Surie, qui y excellait en ses
années misérables, que lancer le cotel était l’apanage de la truanderie.
    — Et vous portez les trois cotels sur vous ?
    — Constamment et avec l’autorisation de Monsieur le
Cardinal.
    J’entendis alors, et non sans un grand soulagement, que
Charpentier n’était pas seulement un des secrétaires de Richelieu mais aussi,
tacitement, son garde du corps.
    — Monsieur Charpentier, dit mon père avec un sourire,
si vous n’aviez l’air posé et tranquille convenant à votre état, je vous eusse
soupçonné d’avoir été, en vos vertes années, une sorte de mauvais garçon.
    — Mais c’est bien ce que je fus, dit Charpentier sans
battre un cil. Et je le serais encore, si je n’avais encontre un religieux qui
prit la peine, non seulement de réformer mes conduites, mais de m’apprendre à
lire et à écrire, et c’est lui aussi qui, en raison de la rapidité et la
correction de mon écriture, me recommanda à Monsieur le Cardinal…
    Oyant cela, j’eus peu de doutes sur le nom du religieux que
Charpentier avait évoqué. Seul, le père Joseph avait assez de crédit auprès du
cardinal pour lui faire accepter comme secrétaire un caïman élevé dans la fange
du pavé parisien.
    — Je propose, dis-je, que La Barge et Charpentier
chargent chacun un pistolet pour savoir lequel des deux arrive le plus vite au
bout de sa tâche. Messieurs, êtes-vous prêts ?
    C’est La Barge qui gagna, bien que de peu. Et j’en fus
content pour le pauvret, car la rebuffade de mon père l’avait fort
décontenancé. Sans oser le dire, tant il craignait meshui de déclore les dents,
il eût sans aucun doute souhaité pouvoir tirer lui aussi en cas d’attaque, ne
serait-ce que pour ne pas être mis sur le même plan que Charpentier, qui était
de la roture. Mais sans nous être consultés le moindre, mon père et moi étions
bien d’accord qu’il valait mieux n’avoir que deux tireurs, lui et moi, La Barge
et Charpentier rechargeant vivement les armes pour nous permettre un tir aussi
rapide et roulant que possible.
    Une fois franchie la porte de Bucci, le carrosse, sur un
ordre rauque, s’arrêta, on toqua à notre porte, je baissai la vitre et mettant
un œil prudent à la fente étroite ménagée par la planche de renfort, je
reconnus Hörner, une lanterne à la main.
    — Monsieur le Comte, dit-il de sa voix basse et
tranquille, le deuxième groupe est là, exact en nombre et fidèle à l’heure.
Nous sommes donc trente, sans me compter, ni Monsieur le Marquis, ni vous-même,
ni votre écuyer. (J’observais qu’il ne nommait pas Charpentier. Étant clerc, à
ses yeux, il ne comptait pas.) Nous allons maintenant traverser le faubourg
Saint-Germain et prendre par le sud pour rejoindre la route de Longjumeau.
Monsieur le Comte, avez-vous fait le choix d’une étape pour rafraîchir les
chevaux ?
    — Ormoy, à moins qu’il n’y ait pas d’auberge.
    — Il y en a une, Monsieur le Comte, et elle est fort
bonne.
    — Ormoy fera donc

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