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Le Manuscrit de Grenade

Le Manuscrit de Grenade

Titel: Le Manuscrit de Grenade Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marianne Leconte
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homme se mit à pleurnicher.
    — Je ne me souviens plus. Je sais juste qu’ils vont à Grenade chercher un manuscrit qui révèle la position d’un trésor.
    — Foudre de Dieu ! jura le grand guerrier en replaçant son masque et en sautant sur ses pieds. J’ignore la signification de ces paroles, mais cela me semble grave. Don Manuel, j’ai besoin de vos services.
    Son interlocuteur se leva et s’inclina :
    — À vos ordres commandeur ! Qu’attendez-vous de moi ?
    — Je vais ramener ce moine à Jerez afin que mon maître puisse l’interroger. Pour gagner Grenade, nos fugitifs passeront sûrement par Santa Fé, le campement des Rois Catholiques. Allez-y. Je sais que vous avez vos entrées chez la reine Isabelle. Ne parlez à personne de notre affaire. Ni de Myrin, ni de la lettre, ni de la prophétie. Cela regarde en premier lieu la très Sainte Inquisition.
    — Que dois-je faire, si je les trouve ?
    — Gagnez leur confiance. Jouez votre rôle d’espion. Vous y excellez. Il serait même avantageux que vous les aidiez à réussir leur mission. Il nous faut ce manuscrit, s’il existe.
    Recroquevillée sur son banc, Isabeau terminait lentement son bol de soupe, tout en faisant semblant de se désintéresser de la conversation. Intérieurement, elle bouillait.
    Qui était en réalité ce scélérat de Manuel ? Plus elle en apprenait sur lui, moins elle le comprenait. Pourquoi se sentait-elle si troublée en sa présence ? Était-elle en train de tomber amoureuse de l’ennemi ?
    Leur attirance était réciproque, elle en avait eu par deux fois la preuve, mais il ignorait qu’elle était de sexe féminin. De dépit, elle massacra son dernier morceau de pain.

8
    Santa Fé
    — N OUS ALLONS BIENTÔT ARRIVER AU CAMP DE S ANTA F É , hurla Pedro pour couvrir le bruit des roues sur la caillasse.
    N’obtenant pas de réponses, il jeta un coup d’œil vers la carriole qui brimbalait à sa suite sur le chemin pierreux. Assommées par le soleil de midi, les passagères somnolaient sur la banquette. Les rênes de la mule flottaient librement tandis que celle-ci suivait d’un pas monotone les traces de son prédécesseur.
    Depuis leur fuite du monastère de Santo Domingo, douze heures auparavant, ils ne s’étaient arrêtés que trois fois pour se restaurer et dormir. Jamais plus de deux heures d’affilée. Les voyageuses, excitées par les révélations de l’abbé, n’avaient cessé de parler pendant les longues périodes de voyage sur les chemins de montagne. De nuit comme de jour. La seule idée d’un trésor caché les avait rendues intarissables.
    La chaleur torride avait enfin calmé leurs divagations.
    Pedro comprenait les réactions de l’adolescente qui trouvait dans les mystères de la mission un dérivatif à sa situation personnelle. Rejetée par sa famille, privée de passé, elle se projetait dans un avenir imaginaire où elle endossait un rôle héroïque.
    Même Myrin, une personne sensée, s’était lancée dans les suppositions les plus farfelues. Quant à lui, il devait admettre qu’il était troublé par la coïncidence. Le fait que deux femmes, une juive et une musulmane, connaissent la même chanson – une chanson dont les paroles avaient un sens prophétique et mystérieux – l’interpellait davantage que la quête d’un trésor.
    D’un cri bref, le cavalier arrêta sa monture. Derrière, la mule se figea. Réveillées en sursaut, Myrin et Yasmin s’exclamèrent d’une seule voix :
    — Que se passe-t-il ?
    Le maître d’armes contempla les jeunes filles qu’il s’était promis de protéger. Une peste de quatorze ans, mélange d’innocence et de rouerie féminine, et une rouquine de dix-sept ans au tempérament de feu. Deux sorcières qui allaient le faire tourner en bourrique s’il n’y prenait garde.
    — Si vous acceptez de descendre de votre carrosse, je vous réserve une surprise.
    Intimidées par son ton cérémonieux, ses compagnes mirent pied à terre.
    En proie à une émotion qui lui nouait la gorge, Pedro admirait la cité blanche et rouge qui somnolait sous le ciel flamboyant. Des images oubliées revenaient en force.
    La vega grenadine, une immense plaine fertile couverte de vergers et de potagers, s’étendait jusqu’aux derniers contreforts de la Sierra Nevada dont les sommets miroitaient de neiges éternelles. La ville s’était éparpillée sur trois collines que les Andalous comparaient aux quartiers ouverts d’une grenade.

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