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Le Manuscrit de Grenade

Le Manuscrit de Grenade

Titel: Le Manuscrit de Grenade Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marianne Leconte
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Dans l’ombre des cyprès, amandiers, orangers, citronniers, figuiers, oliviers, les villas blanches voisinaient avec les moulins à vent, les mosquées avec les palais, les caravansérails avec les échoppes. Entre les collines coulaient les eaux bienfaisantes du Genil et du Darro.
    Ce fut Myrin qui interrompit sa contemplation mélancolique.
    — Quel âge aviez-vous quand vous avez quitté Grenade ?
    — J’avais sept ans ! En fermant les yeux, je revois ses ruelles, son marché, ses minarets. Je sens les odeurs de jasmin qui se mêlent à celles des beignets que des gamins proposent aux badauds. J’entends les cris des porteurs d’eau et le tintement de leurs clochettes.
    — Quelle est cette forteresse rouge ? intervint Yasmin en montrant du doigt la colline la plus haute.
    — C’est l’Alhambra, la résidence des rois maures. En réalité, cette montagne abrite non seulement les palais de la famille royale, mais aussi les maisons des courtisans et les bâtiments de l’administration. C’est une véritable médina. En ce moment y règne le sultan Boabdil, ou plus exactement Abu Abd Allâh az-Zughbî, mis sur le trône par sa génitrice, la terrible Aïcha, veuve de deux sultans. Sur la colline de gauche, le quartier de l’Albaicin, où ma mère habite, si elle est encore vivante.
    Son timbre de voix lui avait paru normal, mais le regard empreint de compassion que lui lança Myrin l’affecta. Sa phrase lui avait échappé. Il tressaillit quand la guérisseuse lui posa la main sur l’épaule.
    — Vous n’avez jamais eu de ses nouvelles ?
    Sa voix était chaude et sensuelle. Touché par son geste, il secoua la tête. Il se sentait incapable d’exprimer les pensées qui l’avaient si souvent fait douter de sa décision depuis sa captivité. Par peur de trahir des émotions qui le dépassaient, il n’osa la regarder :
    — Une fois converti à la religion catholique, j’ai décidé de servir fidèlement le marquis de Jerez qui m’avait sauvé la vie.
    Il vit à sa moue qu’elle n’était pas convaincue par sa réponse.
    — Que faisons-nous maintenant ? demanda Yasmin d’une voix impatiente.
    Pedro se détourna de la ville pour regarder de l’autre côté de la plaine. À vol d’oiseaux, le camp de Santa Fé semblait si près des murs de la vieille cité que l’on racontait que les chevaliers chrétiens et maures pouvaient s’insulter et se défier en tournois singuliers. Montrant de la main la vaste étendue de tentes dressées les unes à côté des autres, il leur expliqua son plan :
    — Je vais aller m’enrôler sous la bannière des Rois Catholiques. Les femmes sont acceptées sous certaines conditions. Vous m’y accompagnerez en tant qu’épouse et fille. N’oubliez pas que nous sommes des convertis. Les Espagnols ne nous aiment guère. Nous devons sans cesse prouver que nous sommes des chrétiens sincères. Alors nous allons profiter de la demi-heure de route qui nous reste pour réviser prières et Évangiles. Remontez dans la voiture, et que le Tout Puissant veille sur nous !
    Attentives à la voix grave de Pedro qui leur résumait la vie de Jésus et leur enseignait l’Ave Maria, le Pater et le Credo, elles reprirent la route qui menait au cantonnement de l’armée espagnole. En arrivant à l’entrée du gigantesque campement qui abritait cent mille soldats, ils furent interceptés par deux gaillards en uniforme, aussi dissemblables que le roseau et le cactus. D’un geste péremptoire, ceux-ci ordonnèrent aux voyageuses de descendre de la carriole. Quand Pedro tendit la main à Yasmin pour l’aider, la musulmane chuchota :
    — S’ils nous cherchent noise, laissez-moi faire !
    — Mes explications suffiront.
    Le plus grand les interpella :
    — Que désirez-vous, étrangers ?
    — Tu vois bien que ce sont des Maures, ils n’ont rien à faire ici, intervint son compagnon en jetant un regard méfiant sur le nouvel arrivant et ses compagnes.
    Pedro s’empressa de répondre :
    — Nous sommes de bons et loyaux sujets catholiques de Leurs Majestés. Je viens m’enrôler comme maître d’armes.
    Les soldats s’esclaffèrent.
    — Maître d’armes, rien que ça, ricana le rondouillard.
    — Et quel seigneur aurait eu la sotte idée de confier l’entraînement de ses soldats à un basané ? surenchérit le maigrichon d’un ton méprisant.
    — Feu le marquis de Guzman de Jerez, mon parrain en religion, avec la bénédiction de Son

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