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Le Manuscrit de Grenade

Le Manuscrit de Grenade

Titel: Le Manuscrit de Grenade Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marianne Leconte
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perles fines.
    Aïcha était une beauté réputée pour son caractère peu commode. Quand elle sortit de l’ombre, ses yeux noirs lançaient des éclairs et ses lèvres étaient retroussées en une moue ironique. D’une voix suave, elle persifla :
    — Cette légende n’est qu’un conte de bonne femme, et ne peut inquiéter que des esprits faibles ! Mais quand nous trouverons ces suppôts du diable, nous vous les livrerons en signe de bonne volonté et d’amitié. Quant à toi, Manuel d’Antequera, remercie tes maîtres, nos alliés, d’avoir accédé à nos demandes en accordant leur protection à nos bons et loyaux sujets musulmans. Nous allons étudier ce parchemin en détail avant d’y apposer notre signature. Nous te contacterons.
    D’un geste discret, elle fit un signe à l’escorte de l’ambassadeur. Les deux émissaires chrétiens furent entraînés vers la sortie, sans avoir la possibilité de répondre. Une fois sous les arcades, on leur permit de remettre leurs bottes, puis ils furent expulsés du palais avec force courbettes.
    Après l’intervention d’Alonso Jimenez, Manuel avait décidé de rester à Grenade pour retrouver le quatuor en fuite avant la police de Boabdil. Mais il ne pouvait se permettre, malgré sa naissance, son titre et son rang, de se quereller avec le Grand Inquisiteur d’Andalousie, protégé du pape Torquemada. Manuel attendit qu’ils aient quitté l’enceinte de l’Alhambra pour demander des explications au puissant personnage qui l’accompagnait.
    D’une voix qu’il espérait dénuée de colère et de ressentiment, il demanda :
    — Pour quelle raison Votre Excellence a-t-elle changé d’avis ? Je croyais que je devais infiltrer cette bande de renégats jusqu’à ce qu’ils trouvent le manuscrit, si tant est qu’il existât ?
    Les yeux fixés sur le chemin caillouteux qui descendait vers les bas quartiers de Grenade, le prélat resta silencieux quelques instants :
    — Je n’aime pas l’idée de laisser deux Douées en liberté. D’autant plus que je ne suis pas sûr, comme vous venez de le dire, que ce manuscrit existe. Mais que Dieu me pardonne, j’ai péché par orgueil. L’impatience, mon plus grand défaut, m’a troublé l’esprit et ôté la raison. Si la sultane mère trouve ces mécréants, elle les protégera ou s’en servira. J’aurais aimé mener la chasse moi-même, mais tant que Grenade n’appartient pas officiellement à la couronne d’Espagne, je ne peux m’y attarder. Je vais rentrer au camp de Santa Fé. Vous allez poursuivre votre mission, comme nous l’avions décidé. Retrouvez Myrin et les autres. Votre cousin Luis les a accompagnés, il vous aidera, j’en suis certain.
    La dernière phrase contenait une menace implicite. Le Grand Inquisiteur savait que Luis n’était pas son cousin. Sans doute était-il persuadé que c’était son giton. Une gêne soudaine à l’entrejambe l’irrita. Mortifié, il espéra que son interlocuteur ne s’était rendu compte de rien. Que se passait-il ? Manuel n’avait jamais été attiré par les garçons et voilà qu’un jeune insolent aux yeux verts le troublait infiniment.
    Prenant sur lui, il confirma d’un ton assuré :
    — Luis les a suivis sur mon ordre, il me contactera.
    — Le manuscrit ne doit en aucun cas tomber en d’autres mains que les nôtres. Au pire, détruisez-le.
    Surpris, Manuel inclina la tête en signe d’obéissance. Tout en cogitant sur le fait que de nombreuses personnes semblaient croire à l’existence de cette prophétie. À moins que ce ne soit la perspective de découvrir un trésor…
     
    Après le départ des émissaires catholiques, le sultan fit signe au vizir, aux dignitaires et aux courtisans de se retirer.
    Dès qu’il fut seul, Boabdil ne put s’empêcher de contempler d’un œil humide le parchemin qui reposait sur ses genoux. Un clerc savant y avait écrit, en calligraphie arabe et en lettres castillanes, l’heure et le jour où il quitterait définitivement sa cité, dernier vestige de son royaume perdu. Après la défaite de Zagal, il avait promis de livrer sa capitale aux Rois Catholiques. Depuis, il temporisait. Mais la menace se précisait. Les vainqueurs ne lui laissaient aucun répit. Le siège se durcissait. Après sa promesse, l’étau s’était desserré et les habitants en avaient profité pour faire entrer vivres et munitions. Depuis, l’armée ennemie avait détruit les cultures, ravagé les champs ; les

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