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Le Manuscrit de Grenade

Le Manuscrit de Grenade

Titel: Le Manuscrit de Grenade Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marianne Leconte
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surprit. Était-ce le ton qu’il employait quand il rendait justice et condamnait les coupables ? Don Manuel s’empressa d’y répondre de façon fleurie et rituelle. La paume sur la poitrine, il s’inclina de nouveau devant le sultan et dit :
    — Que la grâce et la protection du Tout Puissant soient sur vous, émir des croyants. Votre générosité est sans égale en ce monde. Nous avons été traités de façon royale.
    — Alors nous t’offrirons le sel.
    Un serviteur s’approcha de l’ambassadeur et de son compagnon et leur tendit une coupe d’argent. Les visiteurs prirent une pincée de sel qu’ils portèrent à leurs lèvres.
    — Maintenant, j’écoute ce que tu as à me dire, don Manuel.
    — Nous venons, en amis sincères, vous apporter des nouvelles du traité que nos bien-aimés souverains souhaitent soumettre à votre approbation.
    Un simple signe de tête salua ses paroles. Trop ému pour répondre, le dernier des Abencérages se tourna vers son vizir qui était allé s’asseoir dans la niche située à sa gauche. Laissant tomber les formules de politesse, celui-ci s’enquit d’un ton dénué de cordialité :
    — Mon Seigneur aimerait savoir si les conditions de sa reddition ont été acceptées.
    Un tel manquement à l’étiquette était si rare que toute la Cour retint son souffle. Don Manuel, secoué par la rudesse de la question, une impolitesse qui ressemblait à une injure, s’agenouilla respectueusement devant le dernier sultan de Grenade :
    — Leurs Altesses, Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon vous accueilleront hors les murs de Grenade le 2 janvier 1492. Tous vos souhaits ont été respectés. Les Maures seront traités par Leurs Altesses en bons vassaux et serviteurs loyaux. Les Grenadins conserveront leur foi, leurs mosquées et leurs biens. Ils seront jugés par leurs cadis et selon leurs lois. Ils ne seront pas astreints au service militaire, ils pourront voyager et commercer librement dans tout le royaume d’Espagne. En outre mon roi, qui considère Son Altesse comme un frère, lui offre l’hospitalité pour lui et sa famille dans sa cité royale. Permettez-moi de citer la dernière phrase du traité cosigné par Leurs Altesses Ferdinand et Isabelle : « Nous assurons, promettons et jurons par notre foi et royale parole que nous observerons et ferons observer tout ce qui est ici contenu, chaque chose et chaque partie, maintenant et après, maintenant et toujours. »
    Don Manuel n’était pas un enfant de chœur. Il savait ce que valaient les traités. Il connaissait l’intolérance des chrétiens et le fanatisme des musulmans. L’avenir des habitants de Grenade était sombre, aussi sombre que l’âme du zélateur sectaire qui l’accompagnait. Était-il là pour surveiller l’espion des Rois Catholiques ou pour une autre raison ? Personne n’avait daigné mettre l’émissaire dans la confidence. Aussi Manuel fut-il choqué par les propos du Grand Inquisiteur d’Andalousie quand il prit la parole :
    — Un danger menace la ville de Grenade. Quatre fugitifs sont entrés dans la cité. Parmi eux, deux sorcières qui répandent une prophétie dangereuse pour l’avenir de nos deux communautés. Je sais que le manuscrit d’Abraham est un leurre et que le trésor n’existe pas, mais ces mécréants doivent être mis hors d’état de nuire et livrés à la Sainte Inquisition qui statuera sur leur sort. Je vous demande donc de tout mettre en œuvre pour les attraper.
    Le discours du prélat résonna sèchement sous la coupole de cèdre, provoquant une paralysie totale des courtisans. Toutes les personnes présentes s’étaient figées et retenaient leur souffle. Don Manuel frémit. Si le sultan se sentait insulté par ces ordres donnés de façon abrupte, leurs têtes seraient tranchées sur place et leur sang rougirait les mosaïques bleu et or de la salle du trône. Quant au traité de paix…
    Le silence fut brisé par le piétinement léger d’une personne dissimulée dans une niche située à la gauche de Boabdil. Malgré son âge, la mère du roi avait un visage d’une blancheur éclatante et une peau aussi lisse que celle d’une jeune fille. Ses ennemis l’accusaient de sorcellerie et Manuel n’était pas loin d’y croire. Comment l’Inquisiteur avait-il pu oublier ce détail ? Sa chevelure argentée était dissimulée par un voile de soie turquoise, assortie à sa longue gandoura brodée de fils d’or et parsemée de

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