Le Maréchal Berthier
lorsqu'il se trouva mis à la tête d'une armée.
Incontestablement, il était doué pour ce travail ingrat et difficile qui nécessitait de demeurer dans l'ombre de son commandant en chef pour préparer, exécuter ses ordres et le cas échéant réparer avec diplomatie ses erreurs. On a soutenu que les plus brillants chefs d'état-major de notre histoire militaire avaient fait d'assez médiocres « grands patrons ». Ce serait aussi le cas de Berthier qui fit malgré tout une très brillante carrière puisqu'il devint général de division, le plus haut grade de l'armée à l'époque, à quarante-deux ans.
Ce furent précisément ses talents pour remplir ces fonctions qui l'amenèrent à ne pas servir ailleurs. Sa réputation grandit très vite et les généraux en chef qui savaient qu'il était sans doute le meilleur chef d'état-major de toute l'armée française, qui au surplus en comptait peu, se l'arrachèrent littéralement. Son tempérament, un mélange harmonieux de calme, d'équilibre et en même temps de nervosité et d'inquiétude, ne le desservit pas, bien au contraire. Et en plus, il le prouva à de nombreuses reprises, il n'était pas qu'un commis de bureau. Il était tout à fait capable de se porter à la tête d'une division et précédant les colonnes, le sabre à la main, de les entraîner à l'assaut. Son comportement au pont de Lodi en est un exemple entre plusieurs. Son sens de la synthèse des différents éléments d'une situation était extraordinaire, mais si ainsi il analysait clairement les différentes faces d'un problème, il n'avait pas le génie stratégique qui amenait à en tirer les conséquences pour la conduite des opérations, privilège des grands capitaines.
Le début de sa collaboration avec Bonaparte n'est ni le fruit du hasard ni le résultat d'un choix du futur empereur. Barras, qui avait été officier avant de devenir politicien avait, aussi bien lors du siège de Toulon que pendant la répression de l'émeute du 13 Vendémiaire, perçu l'étincelle de génie stratégique qu'il y avait en Bonaparte. Mais il avait été également frappé par l'ignorance de celui-ci en ce qui concernait le côté matériel du maniement d'une armée. D'où la nécessité absolue de le flanquer d'un excellent chef d'état-major. Et Barras pensa à Berthier dont la réputation n'était plus à faire. Les deux hommes comprirent immédiatement qu'ils étaient complémentaires à un point tel que chacun jouerait sa partie et ne chercherait pas à empiéter dans le domaine de l'autre. De là cette collaboration qui allait durer 18 ans.
Si Berthier à l'inverse d'un certain nombre de ses camarades se montra plutôt honnête, il ne refusa par contre jamais les cadeaux dont son « patron » le couvrit.
Phénomène presque insolite, cet homme dont jusqu'en 1796 la vie sentimentale avait été, sinon inexistante, du moins de peu d'importance, découvrit l'amour passion et passablement érotique dans les bras d'une belle Italienne qui fut tout autant en adoration que lui.
Formidable travailleur et organisateur hors pair, ce fut grâce à lui que Napoléon put mettre sur pied la Grande Armée, et il est loisible de souligner que sans sa collaboration l'aventure napoléonienne aurait échoué avant même de commencer. Étonnamment lucide, il perçut avant tout le monde les embarras qui naîtraient en Espagne et les risques qu'entraînait la guerre avec la Russie. Mais il ne sut pas se faire entendre, pas plus que lorsqu'il prêcha pour la paix à tout prix à partir de 1813, paix qu'au demeurant Napoléon estimait ne pas pouvoir accepter dans le cadre de son « système ».
Contrairement à une légende tenace alimentée par Napoléon lui-même qui lui reprochait d'avoir refusé de l'accompagner à l'île d'Elbe – qu'aurait-il été y faire ? –, il demeura à son poste de major général jusqu'au départ de l'empereur, continuant à remplir ses fonctions dans l'intérêt de l'armée. Par ailleurs, ce soldat qui ne voulait être qu'un soldat s'intéressait peu aux problèmes politiques. Il est frappant de noter que, prince souverain d'un État modèle, il n'y a jamais mis les pieds et a délégué tous ses pouvoirs à des personnalités de second plan.
Ce fut sans arrière-pensée qu'il se rallia à la royauté qu'il avait bien servie avant la Révolution. Et ce fut le principal grief que lui reprocha Louis XVIII : ne pas s'être rallié à lui pendant l'émigration, avoir préféré servir
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