Le Maréchal Berthier
mais qui tenaient à conserver leur autonomie. Ce fut ainsi que le bataillon de Neuchâtel, un bataillon suisse, une compagnie de gendarmes hollandais et l'escadron des guides furent désignés pour aller renforcer le régiment de chasseurs à cheval au service du quartier général. Si ces troupes dépendaient de celui-ci, ce n'était pas pour en assurer la sécurité mais pour occuper des postes sur les lignes de communication en arrière de l'armée et également pour escorter les aides de camp (au moins pour la cavalerie). Le bataillon quitta donc Le Havre pour rejoindre la Grande Armée. Jusqu'à la bataille de Wagram, il ne tira pas un seul coup de fusil et au cours de celle-ci son rôle fut des plus modestes. Il fut chargé de garder un des ponts entre l'île Lobau et la plaine de Wagram. Aussi n'eut-il pas un seul tué pendant la bataille !
Ramené à Besançon à la fin de l'année, le bataillon n'allait pas tarder à partir pour l'Espagne où il resta deux ans. Là, il fut chargé d'assurer la sécurité sur la route reliant Valladolid à Salamanque et eut enfin l'occasion, au cours de nombreux engagements d'échanger des coups de feu avec les guérillas. Le terrain montagneux et accidenté convenait parfaitement à ces soldats et leur rappelait quelque peu celui de leur patrie.
En 1812, le bataillon fut rappelé en France pour participer à la campagne de Russie. Une fois de plus, il fut rattaché à l'état-major général et marcha pendant quatre mois entre Besançon et Smolensk (il ne progressait pas très vite). En fait, au moment du passage du Niémen par l'armée, il était très en arrière. Il n'arriva à Smolensk dont le commandant de place était un Neuchâtelois que le 7 octobre, à peine une dizaine de jours avant que ne commence la retraite. Il ne devait pas aller plus loin, Berthier ayant donné un ordre l'immobilisant sur place. Durant la retraite, le bataillon fut très éprouvé, un peu par les combats mais surtout par la faim et le froid, si bien qu'au mois de janvier 1813 il ne comptait plus que 12 officiers et 11 hommes. Tout le reste était resté en Russie.
Avec les soldats demeurés au dépôt, il fut possible de constituer une compagnie qui une fois de plus fut rattachée au G.Q.G. Ce n'était qu'une compagnie dite « d'élite ». Elle fit les campagnes de 1813 et 1814 mais combattit fort peu. En définitive, le « bataillon » fut licencié en mai 1814. Il n'alignait plus que trois officiers et trente-six sous-officiers et soldats qui regagnèrent à peu près tous leur pays. Les pertes qu'ils avaient subies surtout en Russie contribuèrent fortement à anéantir la popularité de Berthier auprès de ses sujets. Si l'on tient compte de la totalité des hommes qui formèrent l'effectif du bataillon, on atteint le chiffre de 1983 à 2 250 suivant les sources, ce qui pour une population de 47 000 habitants est assez considérable. Or les pertes s'élevèrent au chiffre record de 985 : une hécatombe ! et ceci malgré que les engagements au combat aient été peu nombreux. C'est aux diverses maladies qu'il faut attribuer ces morts. Le commandement français jugea toujours ce bataillon si médiocre qu'il évita systématiquement de l'envoyer au feu et que Berthier lui-même n'osa pas le mettre en avant. Dès 1813, les Neuchâtelois étaient las du régime qui les subordonnait par trop à la France. À ce moment, ils évoquèrent plus ou moins ouvertement un retour au système antérieur. Mais en même temps l'idée de voir leur entité rallier la Confédération helvétique faisait son chemin. Aussi, lors de la signature du traité de Paris en 1814, leur sort fit-il l'objet de sérieuses discussions. La Prusse les réclamait. Les Autrichiens auraient préféré les voir rattachés à la Suisse. La Russie voulait que Berthier demeurât en place, et Louis XVIII furieux de voir que Genève avait été détaché de la France incitait le maréchal à demander qu'on lui conservât sa principauté. Là-dessus, coup de tonnerre : les Neuchâtelois avaient demandé au gouvernement de Berne à entrer dans la Confédération. Berne avait accepté ! Du coup, le problème somme toute mineur prenait une dimension internationale. La Prusse allait-elle se heurter à la Suisse ? Le risque était d'autant plus grand que cette dernière bénéficiait de l'appui de l'Autriche, de la France et de l'Angleterre. Pourtant, le gouvernement de Berlin ne voulut pas avoir l'air de céder. Les Neuchâtelois
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