Le Maréchal Berthier
corps d'armée en marche pour les rapprocher, mais alors le mouvement se fit avec rapidité. Chacun des chefs de corps avait reçu des instructions précises sur le lieu où il devait se rendre et la date à laquelle il devrait être en place. Ce fut alors que survint un contretemps que n'avaient prévu ni Berthier ni l'état-major. Étant donné le délai très bref qui leur était accordé pour gagner leurs positions, les maréchaux estimèrent que même pour accomplir un trajet aussi court ils devraient couvrir les étapes à marches forcées. Aussi, afin de se déplacer avec un maximum de célérité et sans s'être donné le mot, ils réquisitionnèrent tous les véhicules et attelages sur lesquels ils purent mettre la main.
Seulement, lorsque l'intendance à qui Berthier avait prescrit de réunir des stocks importants de blé, de farine et autres subsistances puis de les transporter jusqu'aux points de concentration, voulut, elle aussi, procéder à la réquisition de matériel roulant, fut-elle dans l'impossibilité de mettre la main sur une seule charrette, et les régiments en marche furent contraints de vivre tant bien que mal sur le pays, ce qui était fâcheux avant l'ouverture de la campagne. Napoléon, lorsqu'il l'apprit, entra dans une colère d'autant plus violente qu'il en était en partie responsable, ayant retardé le plus possible le déplacement de ses corps d'armée. Il oubliait, du reste, qu'il avait utilisé le même procédé pour transporter sa garde de France en Allemagne. Il s'en prit à l'intendant général que pourtant il appréciait, et il fallut que Berthier lui expliquât les raisons de la pénurie de voitures absolument nécessaires pour le calmer.
La concentration de l'armée française s'opéra donc à une vitesse suffisante pour que tous ses éléments soient en place dans les derniers jours de septembre avant la date butoir qui leur avait été assignée. Elle occupait le terrain entre Amberg qui formait l'aile droite et Würzburg, l'aile gauche, le corps de Davout occupant le centre à Bamberg bordant les deux massifs forestiers qui la séparaient de l'armée prussienne. Néanmoins chacun des généraux en chef avait lancé en avant des patrouilles légères et elles étaient de part et d'autre au contact.
Quant à l'état-major, Berthier l'avait maintenu le plus longtemps possible à Augsbourg, jugeant qu'il avait suffisamment de travail pour ne pas lui infliger en plus un déménagement. Ce ne fut que le 2 octobre, en apprenant que l'ambassadeur Laforest avait quitté Berlin, qu'il donna ordre à ses adjoints de rejoindre Würzburg. Ce déplacement s'effectua en deux jours. Berthier voulant en toutes circonstances faire preuve de la même politesse avait, dès le 25 septembre, écrit à l'électeur de Würzburg pour lui demander la permission d'installer chez lui son quartier général, requête, d'ailleurs, de pure forme.
Napoléon arriva assez tard sur le terrain. Il quitta Paris seulement le 25 septembre et, après s'être arrêté à Mayence, parvint à Würzburg, le 2 octobre. Depuis plusieurs jours déjà, agissant de son propre chef, Berthier avait jeté une nuée d'espions chez l'adversaire pour en apprendre le plus possible sur ses positions et ses projets. Le 24 septembre, il avait signalé à Napoléon que l'un de ses agents avait été démasqué, pris et pendu. Le travail de ses informateurs avait, du reste, été rendu difficile, car les Prussiens, devenus méfiants, écartaient systématiquement les voyageurs civils des lieux où se réunissait leur armée. C'est pourquoi, au moment où Napoléon arriva, tout ce que les recoupements des renseignements fournis au service d'état-major lui permirent d'apprendre, c'était que les forces prussiennes étaient articulées en deux armées commandées respectivement par le vieux duc de Brunswick par ailleurs commandant en chef, et par le prince de Hohenlohe. Forte d'environ 60 000 hommes, la première semblait être cantonnée dans la région de Weimar. La seconde, comptant 40 000 combattants, aurait été positionnée vers Iéna. Quant au plan de campagne prussien, il avait été impossible d'en avoir connaissance. Simplement, un avis si curieux qu'il était à peine croyable indiquait que le roi Frédéric-Guillaume entendait prendre part à la direction des opérations. Or, il était de notoriété publique qu'il n'y entendait rien !
Devant ces incertitudes, l'empereur décida de franchir les monts de Thuringe
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