Le Maréchal Berthier
fait, ce fut le conseil d'État, cet organisme de vingt-deux membres déjà en place, recrutés dans la bourgeoisie aisée par cooptation, qui continua à gouverner la principauté. Tout de même, l'influence française se fit sentir dans quelques domaines, telles la remise en état de la poste qui fonctionnait mal, la création d'une caisse d'épargne, d'un hôpital et d'une chambre d'assurances. Berthier esquissa même une réforme en profondeur de l'administration et ne la réalisa pas. En dépit des conseils de Napoléon, le prince maintint le niveau de ses revenus à cinquante mille écus, estimant que c'était déjà assez lourd pour ses sujets et, au moins au départ, ceux-ci lui en surent gré. Après 1811, l'influence de l'administration française se manifesta de plus en plus, en particulier sous la forme d'augmentation constante des impôts. Aussi ne faut-il pas s'étonner de ce que la popularité du prince ait beaucoup baissé dans la dernière partie de son règne, que bon nombre de ses sujets aient commencé à regretter le roi de Prusse et que presque tous aient, à ce moment, jeté un oeil d'envie sur leurs voisins, les cantons suisses, dont ils se mirent plus ou moins ouvertement à aspirer à faire partie.
Le fameux bataillon de Neuchâtel fut ce qui intéressa le plus Berthier. Sa création fut décidée en 1806 et, dès les premiers moments, le prince prit des mesures peu propres à en assurer le succès. Pourtant, l'occupation du pays par Oudinot avait éveillé un certain intérêt dans la jeunesse neuchâteloise qui, à ce moment, avait songé à s'enrôler au service de la France. Mais, lorsqu'elle apprit que le dépôt du bataillon et son centre de recrutement seraient basés à Besançon, ville honnie par les Neuchâtelois à cause de la concurrence horlogère, l'ardeur se ralentit beaucoup. Aussi les engagements se révélèrent-ils peu nombreux. Berthier avait compté au départ sur un millier d'hommes, ce qui aurait constitué un bataillon étoffé à six compagnies, comme l'avait prescrit Napoléon. Il s'en présenta péniblement cent quatre-vingt-dix-huit. Aussi, la formation de l'unité fut-elle remise à l'année suivante. Son commandant, un officier suisse nommé Bosset, s'occupa dès ce moment de commencer à trouver des jeunes gens susceptibles de devenir des cadres et la chose ne se révéla pas des plus faciles puisqu'il fallut aller jusqu'à recruter des Neuchâtelois ayant servi dans l'armée prussienne et qui avaient été faits prisonniers en 1806 par l'armée française !
La majorité des volontaires n'avait jamais porté les armes. Il fallait donc les instruire en commençant par la base. Cela aurait pris du temps et le prince était pressé de voir son unité intégrée dans l'armée. Aussi l'enseignement fut-il un peu bâclé et le résultat au-dessous du médiocre.
L'uniforme avait été curieusement dessiné en s'inspirant des armoiries du pays de Neuchâtel. Aussi, à la culotte blanche et aux guêtres noires, venait s'ajouter un habit de couleur jaune plutôt inusité. Il valut aux malheureux soldats le surnom de « canaris » que lui donnèrent les autres régiments français. Certains plus féroces encore employèrent le terme de « serins ». En définitive, malgré les efforts de Bosset, les effectifs atteignirent péniblement 216 hommes. Toutefois les ordres étant les ordres il forma avec eux 6 compagnies : une de carabiniers, quatre de chasseurs et une de voltigeurs. Évidemment, leurs contingents étaient plutôt squelettiques, variant de trente à quarante et un hommes ! Un peu plus tard, les premiers renforts arrivèrent qui permirent d'avoir quatre cent soixante dix neuf soldats et officiers sous les armes.
Le bataillon fut alors dirigé sur Le Havre pour participer au service des gardes-côtes. En arrivant dans ce port, il ne comptait plus qu'environ trois cents rationnaires par suite de décès, de maladies… et de désertions ! Un moment, Berthier avait songé à le fusionner avec le bataillon du Valais dont les effectifs étaient tout aussi réduits mais avait dû y renoncer par suite de l'antagonisme existant entre les populations de ces deux territoires, rivalité aggravée par le fait que les uns étaient protestants et les autres catholiques !
Au moment où se préparait la campagne de 1809, la question se posa de savoir où et comment utiliser un certain nombre de petites unités d'origine diverses, trop faibles pour être endivisionnées
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