Le Maréchal Berthier
ses nouveaux sujets et, ayant reçu une adresse que le conseil d'État s'était dépêché de lui envoyer, il se hâta d'y répondre, promettant de gérer le pays avec bienveillance et en bon administrateur. Bien entendu, il eut assez de présence d'esprit pour passer sous silence le conseil de Napoléon qui suggérait qu'il pourrait tirer du pays un revenu double de celui du roi de Prusse, ce qui n'entrait d'ailleurs pas dans ses intentions. Un peu plus tard, en avril, il reçut une délégation de notables de la principauté, venus prendre contact avec lui et s'enquérir de la date à laquelle il comptait faire son entrée à Neuchâtel. Comme ces bourgeois ne perdaient pas le sens des affaires, ils en profitèrent pour demander que l'administration leur rendît des marchandises anglaises stockées à Neuchâtel et sur lesquelles Oudinot, conformément à ses ordres, avait mis la main. Berthier promit d'intervenir auprès de Napoléon et, celui-ci ayant donné son accord, les biens furent restitués à la grande satisfaction de leurs propriétaires.
Quoique sa visite ait été plusieurs fois programmée et que dans les années qui suivirent, s'il l'eut véritablement voulu, Berthier aurait trouvé le temps de se rendre dans sa principauté, il ne vint jamais à Neuchâtel.
Ses sujets s'étaient imaginés qu'il pourrait être parmi eux en octobre 1806 et préparèrent donc une grande réception. Or, à ce moment, la France était en pleine guerre avec la Prusse et Berthier avait bien d'autres préoccupations ! Il envoya donc le général Jarry le représenter car il était impossible de tout annuler, et celui-ci rapporta au prince que la cérémonie lui avait paru plutôt ridicule !
Du reste, le nouveau souverain avait une manière assez particulière d'administrer son fief. Personnellement, il ne s'intéressa qu'aux affaires militaires et cynégétiques. Il créa bientôt un bataillon destiné dans son idée à lui servir de garde personnelle mais qui ne devait jamais remplir cette fonction, car Berthier se ravisa entre-temps, craignant que Napoléon n'en prît ombrage. Il mit sur pied une gendarmerie, première véritable force de police, et eut dans l'idée de former un corps de gardes forestiers, étude qui resta à l'état de projet mais dont il s'amusa à dessiner l'uniforme.
Quant à la gestion proprement dite, il prit pour habitude de tenir des séances au cours desquelles étaient traitées en bloc des questions ayant peu de rapports les unes avec les autres.
Pour l'aider dans cette vaste tâche, il fit appel à quatre principaux collaborateurs. Le premier et le plus important, François de Lesperut, né en 1772, avait déjà servi de secrétaire à Berthier. C'était un royaliste rallié à l'Empire. Alexandre le nomma, pendant l'été 1806, commissaire extraordinaire à Neuchâtel. Il y arriva en octobre et étudia le pays, les moeurs et les institutions. Ses rapports avec le conseil d'État et les habitants furent plutôt bons. Il repartit avant la fin de l'année et se rendit à Varsovie pour rendre compte à Berthier de ce qu'il avait vu. Appelé alors à d'autres fonctions au sein de l'état-major général, il fut nommé gouverneur de Neuchâtel à la fin de 1808, n'y arriva qu'en septembre 1810, fut absent en 1811 et 1812, et revint périodiquement en 1813 et 1814. Il servit plutôt d'agent de liaison avec Berthier et son séjour sur le territoire n'excéda pas cinq mois en sept ans. Mais il laissa, à la fin du compte, une bonne impression, car les Neuchâtelois l'appelèrent « notre excellent gouverneur ». Sa principale activité consista à faire ouvrir des routes et abolir certains privilèges. En raison du blocus continental, une assez grave crise économique frappa le pays. Bon nombre d'ateliers fermèrent. Sur trois mille manufactures de toiles peintes en 1806, il n'en restait que mille quatre cents en 1814 ! Mais Lesperut ne se sentit pas de taille à essayer de résoudre ce problème et n'en entretint même pas son patron.
Le second représentant, le général Dutaillis, fut envoyé à Neuchâtel, en 1808, à titre de ministre plénipotentiaire, muni de pouvoirs étendus. Sage et modéré, il estima qu'il fallait « laisser tranquille ce petit peuple ».
Les deux derniers, Guillabert et Leduc, tous deux ancien secrétaires de Berthier, laissèrent peu de traces de leur passage et se contentèrent d'établir des taxes sur le vin et l'eau-de-vie, ce qui mécontenta la population.
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