Le Maréchal Berthier
à son tour prit le chemin de Paris dont il était absent depuis deux ans et où Giuseppa l'attendait. Parti de Berlin le 3 août, il arriva chez lui le 10, pour y retrouver l'élue de son coeur. Ils n'avaient pas cessé de s'écrire un seul jour durant cette trop longue absence et, si chacun de son côté n'avait pas été d'une fidélité exemplaire, ils eurent le bon goût de ne pas chercher à savoir ce qu'avaient pu être les coups de canif dans le contrat.
La veille de son arrivée à Paris, Berthier avait été remplacé, en tant que ministre de la Guerre, par son ami, le général Clarke. Ce n'était nullement une mesure coercitive de la part de l'empereur. Il entendait simplement le soulager et du reste il continuait à être major général. Il espérait jouir d'une permission de détente pour se reposer des fatigues accumulées en deux ans, surtout que sa santé lui causait quelques soucis. Mais si le conflit ne subsistait plus qu'avec l'Angleterre (encore que l'Autriche avait du mal à accepter sa défaite de 1805), l'empereur se préoccupait de la manière dont les deux États de la péninsule Ibérique, surtout le Portugal, appliquaient le blocus continental décrété l'automne précédent depuis Berlin par Napoléon.
En fait, le Portugal, s'il avait officiellement adhéré au blocus avec réticence et de manière tardive en novembre 1807, ne l'appliquait pas avec beaucoup de zèle et, même si le trafic avec la Grande-Bretagne avait baissé de 40 % entre 1806 et 1807, il n'en continuait pas moins à se poursuivre d'une manière active.
Aussi, au mois d'octobre, un traité fut-il signé à Fontainebleau entre la France et l'Espagne qui prévoyait simplement le partage du Portugal. Le Premier ministre espagnol, Godoy, prince de la Paix, espérait une fois de plus dans l'affaire se tailler, aux dépens des Portugais, une principauté indépendante.
Napoléon avait commencé à planifier cette agression depuis plusieurs mois. Dès son retour d'Allemagne, c'est-à-dire en août, Berthier avait reçu pour mission de mettre sur pied une armée qui serait chargée d'envahir le Portugal en collaboration avec les troupes espagnoles et qui porterait provisoirement le nom de « corps d'observation de la Gironde ». Décision pour le moins étonnante, l'empereur en confia le commandement à Junot dont il avait favorisé la carrière depuis la lointaine époque du siège de Toulon. Ce dernier était totalement incapable d'assumer de telles responsabilités surtout en cas de crise, mais Napoléon estimait que cette invasion se résumerait à une promenade militaire. Outre la constitution de cette nouvelle armée, Berthier, en tant que major général, devait superviser l'administration de toutes les troupes françaises en opérations à l'étranger, c'est-à-dire quatre corps d'armée en Allemagne, un en Pologne, un en Dalmatie, un en Italie, un à Naples, plus en France celui qui, à Boulogne, devait théoriquement envahir l'Angleterre. Le tout représentait plus de 800 000 hommes, et il était évident que Berthier ne pouvait à la fois les gérer et se pencher sur les problèmes propres au ministère. Dès qu'il fut à Paris, il y fit venir la quasi-totalité des officiers de l'état-major général et grâce à la complaisance de son ami Clarke les logea dans les locaux du ministère de la Guerre.
Ce corps d'observation de la Gironde comprit initialement 18 000 fantassins, 2 000 cavaliers et six batteries d'artillerie chacune à six pièces. Avant même d'entrer en Espagne, il fut renforcé à vingt-huit mille hommes. De plus, il pouvait compter sur l'appui de dix mille Espagnols pour ses opérations au Portugal. Napoléon, avec raison sans doute, ne faisait pas grand fond sur la valeur militaire de ses alliés. À la fin d'octobre 1807, Berthier fut prié par l'empereur de constituer un nouveau corps de quarante mille hommes qui devrait se préparer à entrer en Espagne pour soutenir les forces combinées de Junot et de Godoy. Cette fois, Berthier s'alarma. Déjà, le premier corps était en grande partie composé de conscrits qui n'avaient pas terminé leur instruction et dont les officiers redoutaient, avec raison, qu'ils supportent mal les fatigues imposées par la traversée de pays aussi arides et chauds que l'Espagne. Pour le second, ce serait sans doute encore pis. L'avenir allait montrer à quel point ses craintes étaient fondées, mais Napoléon ne voulut rien entendre.
Comme si cette
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