Le Maréchal Berthier
moment, Napoléon voulait enlever la dernière place prussienne, Koenigsberg. Bennigsen, qui semblait avoir deviné le projet, se mit en route pour la secourir et le résultat de ces divers déplacements fut la bataille de Friedland. L'état-major se contenta de transmettre les instructions de l'empereur aux corps d'armée de Lannes, Victor, Mortier, Bessières et Ney pour les faire converger sur Friedland et se déployer en vue de la bataille (14 juin). Pendant les quelques jours que dura la poursuite après la victoire, si Napoléon se montra plein d'optimisme, il n'en fut pas de même pour Berthier. On approchait du Niémen, fleuve frontière. Or, si elle avait été sévèrement battue, l'armée russe n'était pas détruite. Le major général avait lu l'Histoire de Charles XII de Voltaire et étudié ses campagnes. Si, continuant à refuser le combat, Alexandre s'enfonçait dans les profondeurs de la Russie, quitte à abandonner un certain nombre de villes à ses poursuivants, comment l'armée française pourrait-elle parvenir à le poursuivre avec des lignes logistiques démesurément étendues ? D'ailleurs, pourrait-elle supporter un peu plus tard une seconde campagne d'hiver ? Tous les jours, le maréchal ressassait ses arguments à Napoléon et, quoique celui-ci affectât de les prendre à la légère, ils durent tout de même l'influencer car, lorsque le 20 juin Alexandre qui estimait que pour le moment ses troupes étaient hors d'état de poursuivre la lutte sollicita une suspension d'armes, Napoléon l'accorda sur-le-champ. La première entrevue entre les deux souverains eut lieu, le 25, à Tilsit. Berthier y assista. Il avait renvoyé tout le quartier général à Koenigsberg, le chargeant d'y fortifier la rive « française » du Niémen. Le tsar, qui était très capable de se montrer aimable, voire chaleureux, tint à complimenter Berthier, car il savait, comment ? il ne le dit pas, quel remarquable travail lui et son équipe avaient accompli depuis quelques mois. Il devait, quelques jours plus tard, le décorer de la croix de Saint-André, ce qui était un honneur fort rare et très recherché. Pour ne pas être en reste, Napoléon en fit un vice-connétable, le 25 août. Cette promotion purement honorifique le plaçait dans certaines cérémonies juste après Joseph, frère aîné de Napoléon, et avant les autres membres de la famille impériale. Déjà, le 30 juin, Berthier avait reçu une première dotation de 54 000 francs de rentes sur le duché de Varsovie ; elle devait être suivie d'une seconde, le 23 septembre, de 300 000 francs de rentes sur le grand livre. Si cette dernière était tout bénéfice, il n'en allait pas de même pour la première car, lorsque ces revenus perçus à l'étranger parvenaient en France, le fisc les frappait de taxes importantes, ce qui en diminuait d'autant l'intérêt.
La paix entre la France et la Russie ayant été signée le 8 juillet, Berthier quitta Tilsit le surlendemain pour se rendre en compagnie de Napoléon à Koenigsberg où allait se signer la paix avec la Prusse. Le 13, l'empereur prit la route de Paris, laissant une fois de plus le commandement de l'armée à Berthier. Celui-ci était chargé d'organiser l'évacuation d'une partie des territoires prussiens. Toutefois, l'armée restait en Allemagne et continuait à occuper une grande portion de la Prusse. Elle allait être articulée, précisa Berthier aux intéressés dans une lettre confidentielle, en quatre commandements : le duché de Varsovie confié à Davout, la vieille Prusse jusqu'à l'Oder à Soult, la haute et basse Silésie à Mortier, la Bavière et la Saxe à Brune. Étant donné le nombre de questions qu'il avait à régler, Berthier passa la fin du mois sur les routes allant de Tilsit à Stralsund en Poméranie suédoise, puis revenant à Berlin. Son ami Davout vint l'y entretenir d'un problème délicat. Au moment de la signature de la paix, Napoléon avait décidé de ne pas payer les arriérés de solde dus à la Grande Armée pour 1806. En souvenir des exploits de son corps d'armée à Auerstedt, Davout demandait que la mesure ne s'appliquât pas à celui-ci. Berthier qui avait autorité pour décider en lieu et place de Napoléon pour de telles questions s'empressa de répondre au désir de son ami en faisant débloquer 1 600 000 francs. Simplement, il rendit compte à Napoléon qui approuva.
Toutes les questions étant réglées au mieux des intérêts de la France, Berthier
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