Le Maréchal Berthier
d'obéir… » Et comme Ney persistait dans son mouvement, il eut droit à une seconde missive encore plus virulente que la première.
En réalité, celui-ci venait involontairement de rendre un immense service à Napoléon, car il tomba en plein sur l'armée russe en mouvement qui avait déclenché une offensive, alors que le service des renseignements n'en savait rien. Dans les jours qui suivirent, par un temps épouvantable, Berthier s'efforça et réussit à concentrer les différents corps français, encore que plusieurs s'égarèrent dans leur déplacement. Grâce au travail de l'état-major dont les estafettes accomplirent de véritables prouesses, Napoléon fut à même de monter une contre-offensive dans les premiers jours de février. Mais un ordre envoyé à Bernadotte fut intercepté par les Russes qui évitèrent ainsi le piège qui leur était tendu. Le 7 février, les deux armées étaient en présence à Eylau et, le lendemain, se déroula une bataille indécise qui tourna à la boucherie et où chacun se proclama vainqueur. Les Français, toutefois, demeurèrent maîtres du champ de bataille et, après cet affrontement, les adversaires prirent leurs quartiers d'hiver.
Toutefois, Berthier, qui jugeait la position de l'armée française quelque peu hasardeuse, ne put ou ne voulut empêcher ses camarades d'exprimer des opinions dans le même sens. Tous étaient conscients des sentiments de la troupe dont le mécontentement était patent. Ils chargèrent donc Berthier et Murat de se faire leurs interprètes et d'exprimer leurs craintes à l'empereur. Une fois de plus, celui-ci refusa de les écouter !
Les Russes n'acceptaient qu'à regret cette situation transitoire où une puissante armée ennemie stationnait non loin de leur frontière et, à plusieurs reprises, Bennigsen « tâta » nos positions sans succès, puis, sur l'ensemble du front, le calme revint.
Durant toute cette crise d'Eylau, Berthier assuma sans défaillance son rôle de major général et eut d'autant plus de mérite qu'il supportait mal la rudesse de l'hiver. À plusieurs reprises, il fut sujet à des crises de goutte et il crut un moment qu'il serait obligé de demander à Napoléon de lui désigner un remplaçant car, pendant quelques jours, il fut incapable de monter à cheval.
La grande affaire de la fin de l'hiver et du printemps 1807 fut le siège de Dantzig. Lannes, gravement malade, avait, avant la bataille d'Eylau, été remplacé par Savary qui, meilleur policier que tacticien, avait laissé échapper un corps d'armée russe, lequel était venu renforcer Bennigsen pendant la bataille. Du coup, Berthier lui écrivit, le 13 février, une lettre de remontrances dans laquelle il lui faisait la leçon. Savary était vindicatif. Cette longue lettre aurait, beaucoup plus tard, ses conséquences. Pour sa part, Berthier estima que ce général n'était pas capable de manoeuvrer correctement et il n'eut de cesse qu'il n'eût été remplacé par Masséna.
Dans les mois qui suivirent, la préoccupation principale de Napoléon fut d'empêcher l'armée russe de se porter au secours de Dantzig qu'assiégeait le corps de Lefebvre. Pendant ce temps, Berthier, un peu moins bousculé dans son travail, redéfinissait, une nouvelle fois, les fonctions des différents services de l'état-major général. Au général Panetier qui avait remplacé Andréossy, il précisait : « Vu tout ce qui se passe, veiller à la police et à la sûreté du quartier général, passer en revue tous les détachements qui passent… enfin rendre compte au major général deux fois par jour… », car il avait constaté un certain relâchement dans le travail de ses subordonnés et voulait maintenir une extrême rigueur dans le service.
Napoléon maintenait la pression sur son major général. À la fin de mars, il le chargea de mettre sur pied un nouveau corps dit « de réserve », dont le commandement serait confié à Lannes lorsqu'il serait guéri. La tâche était d'autant plus difficile que Berthier avait déjà beaucoup de mal à reconstituer les autres corps d'armée, dont les effectifs avaient fondu et ce bien que Napoléon, depuis janvier, eût obtenu du Sénat la levée de la conscription de 1807, fixée à 100 000 hommes.
Enfin, le 20 mai, Dantzig capitula, ce qui libéra le corps de Lefebvre et permit à Napoléon de recommencer à manoeuvrer face aux Russes. Ceux-ci tentèrent sans succès de prendre l'offensive au début de juin. À ce
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