Le Maréchal Berthier
préparation de la campagne de Portugal n'avait pas suffi, il fallut que l'état-major réorganise, au début de novembre, les grands commandements en Allemagne car ils étaient trop étendus. Ils passèrent de quatre à six.
Cependant, le 12 octobre, Berthier avait expédié à Junot l'ordre de franchir la frontière, ce que celui-ci fit, le 18, avec des forces légères. Il fut bien accueilli par les Espagnols aux yeux de qui il était encore un allié. Il avança sans difficulté ; mais ses soldats trop jeunes ne tardèrent pas à souffrir du manque de confort, de l'absence d'hygiène et de la rareté des vivres. Le nombre des malades et des blessés par incapacité de marcher se mit à augmenter de manière inquiétante. De même, les chevaux mal nourris commencèrent à crever en nombre. Faisant preuve d'une témérité extrême, Junot continua à avancer alors que son armée se décomposait sous la pluie, dans la boue et par manque de vivres. Elle faisait à présent la plus mauvaise impression sur ses alliés. Quoi, c'était cela les terribles soldats de Napoléon ? Des enfants, malades, épuisés ! Comment avait-il été possible pour d'aussi faibles troupes de battre l'Europe ? Si elle l'avait voulu, l'armée portugaise, forte d'environ 25 000 hommes, les aurait arrêtés sans difficulté. Mais en apprenant l'avance des Français, le gouvernement portugais ne songea qu'à s'enfuir au Brésil ; et ce fut dans ces conditions que Junot, téméraire, inconscient et hardi, fit, le 30 novembre, son entrée à Lisbonne.
Berthier n'était plus à Paris depuis le 16, ayant accompagné Napoléon dans son voyage en Italie, mais il restait en rapport avec ses services eux-mêmes, plus ou moins tenus au courant de la manière dont s'opérait l'invasion du Portugal. Aussi son inquiétude augmentait-elle d'autant plus qu'à présent Napoléon songeait à occuper toute l'Espagne et que le second corps de la Gironde, au lieu de se préparer à aller renforcer Junot, devrait en quelque sorte ouvrir la voie à cette invasion. Cette fois, l'empereur mit à sa tête un officier de grande valeur, le général Dupont, dont la rumeur disait qu'il irait chercher outre-Pyrénées son bâton de maréchal.
Pendant tout ce voyage en Italie, qu'il accomplit aux côtés de son souverain, Berthier se sentit mal à l'aise. Il s'estimait trop loin de son personnel et pensait que la situation dans la péninsule Ibérique requérait toute son attention. Napoléon prenait les choses trop à la légère. Dupont, qu'il n'était plus question de diriger sur le Portugal, était prié de marcher sur Valladolid mais rencontrait les mêmes difficultés que Junot : ses troupes étaient, elles aussi, majoritairement composées de conscrits. Puis, Moncey, avec un troisième corps d'armée, entrait à son tour en Espagne et, suivant ses instructions, mettait la main sur les forteresses espagnoles en chassant les garnisons, ce qui ne manquait pas d'inquiéter les populations locales. Enfin, la garde impériale, à peine rentrée d'Allemagne, prenait la route de Bordeaux.
Aussi, lorsque, après avoir visité Venise, Milan, Alexandrie et Turin, Napoléon, traînant toujours Berthier avec lui, reprit, le 28 décembre, la route de Paris où il arriva le 1 er janvier 1808, le major général poussa un soupir de soulagement. Il était contrarié, car il pensait qu'en Italie, où il n'avait été d'aucune utilité à Napoléon, il avait perdu son temps alors qu'un énorme travail l'attendait en France. Il saisissait mal le dessein de l'empereur vis-à-vis de l'Espagne et considérait que c'était un peu trop à la légère que celui-ci, ignorant des Espagnols et de leur caractère ombrageux et indépendant, s'engageait.
Quelques jours après son retour, Berthier se sentit blessé par une décision de Napoléon pour laquelle celui-ci n'avait pas pris la peine de le consulter. Son frère, le général César Berthier, qui était gouverneur des îles Ioniennes depuis août 1807, fut relevé brutalement de son commandement par suite de quelques maladresses. Le roi Joseph de Naples, frère de l'empereur, s'était plaint de lui. L'affaire était peu claire. Mais le major général qui avait un profond sens de la famille prit assez mal la chose. Napoléon reconnut un peu plus tard qu'il avait agi avec précipitation et, à titre de réparation, nomma César commandant de la 27 e division militaire à Turin, au mois de mai. Peu de temps après ce retour à Paris,
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