Le Maréchal Berthier
tous français, avaient été choisis parmi des personnages de premier plan : Cambacérès, le comte de Ségur, grand chambellan et vieil ami de Berthier, et le ministre Regnault de Saint-Jean-d'Angely, pour Alexandre ; Talleyrand, Gaudin, ministre des Finances, et le général Dutaillis, proche collaborateur du major général, pour Élisabeth. Les souverains français assistèrent au mariage religieux et, comme cadeau, Napoléon offrit à son plus proche collaborateur cent quatre-vingt mille francs de rentes sur la Westphalie et cent quarante et un mille sur le Hanovre. Lui qui était déjà abondamment pourvu allait pouvoir mener grand train !
Mais la farce n'allait pas s'arrêter là ; à la stupéfaction de la cour, au mécontentement de Napoléon qui se sentit joué, Alexandre dans les jours qui suivirent la cérémonie présenta sa maîtresse à sa femme comme une très vieille et très chère amie et lui recommanda de cultiver cette sympathie. Le plus extraordinaire est que les deux femmes s'entendirent très vite. Forte de son expérience et de sa beauté, la marquise domina rapidement la princesse ravie d'avoir à ses côtés pour lui servir de conseil une femme qui connaissait tout le monde à la cour et à la ville. Toutes deux passionnées par les jeux de cartes passèrent de nombreuses soirées ensemble, et il fut bientôt admis à l'amusement des uns mais à l'indignation des autres qu'elles jouaient côte à côte les maîtresses de maison à Grosbois. Pour la remercier de la manière dont elle avait su maîtriser la situation, Berthier commanda à Gérard un portrait en pied de la marquise. Deux ans plus tard, à sa demande, le peintre Boze réalisa celui de la princesse qui dut se contenter d'être en buste.
Mais Alexandre n'allait pas jouir longtemps de la félicité de ce ménage à trois. Les affaires espagnoles allaient amener Napoléon à se rendre à Bayonne pour tenter d'obtenir des souverains qu'ils lui cèdent leurs droits, leur trône et leur empire. Dans ce but, il quitta Paris le 2 avril. Berthier le suivit dans les 48 heures avec une grande partie des membres de l'état-major général. En effet, les troupes françaises, de plus en plus nombreuses en Espagne, nécessitaient sa présence à proximité. Et puis il y avait Junot, très en flèche au Portugal, qu'il fallait sans cesse rappeler à l'ordre, car il ne semblait pas réaliser la précarité de sa situation et ne faisait rien pour organiser le pays. Au-delà des Pyrénées, se trouvaient à présent les corps de Moncey, de Dupont, les divisions de Mouton, de Merle, de Duhesme et une partie de la garde impériale sous Lepic. Le commandement du tout incombait à Murat qui portait le titre de « lieutenant général de l'empereur » et se voyait déjà roi d'Espagne. Comme d'habitude, les problèmes matériels concernant cette armée relevèrent de l'état-major qui, lui, demeurait en France, car au même moment Napoléon lui demandait de planifier une expédition avec des troupes françaises, danoises, hollandaises et espagnoles pour envahir la Suède ! Utiliser des Espagnols alors qu'on occupait en force leur pays ! Un moment, Berthier se demanda si l'empereur n'avait pas perdu l'esprit ! Surtout, il était à craindre que cette occupation de pays étrangers en pleine paix n'amenât les grandes puissances à resserrer leurs liens pour mettre un frein à la boulimie napoléonienne. Mais, dans cette circonstance, Berthier entièrement accaparé par des problèmes purement militaires avait peu de temps à consacrer aux côtés politiques de la volonté impériale. Un de ses premiers soins en arrivant à Bayonne avait été de faire établir un mémoire détaillé sur les provinces basques espagnoles proches de la frontière. Et puis il avait bien d'autres sujets de préoccupations.
Plus lucide dans son ensemble que la famille royale, le peuple espagnol était en train de se soulever en sa faveur. Si Murat sut mater avec énergie la révolte madrilène, en d'autres endroits les troupes impériales se trouvèrent très vite aux prises avec de graves difficultés, d'autant que la nature très particulière du terrain empêchait souvent d'établir une coordination entre les différents corps d'armée.
Bien qu'il fût très occupé par ses combinaisons diplomatiques, Napoléon, chaque matin, réservait une ou deux heures pour recevoir Berthier qui le tenait au courant de l'évolution de la situation militaire. Il était
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