Le Maréchal Berthier
parut le décret qui organisait la nouvelle noblesse d'Empire. Les maréchaux furent, pour la plupart, nantis de titres et cela donna d'ailleurs lieu à un curieux marchandage dans le choix de ceux-ci. Berthier fut un des seuls à ne pas bénéficier de ces promotions. Il était déjà pourvu.
Il avait à ce moment un nouveau travail d'une importance capitale. L'empereur lui avait demandé de réorganiser toute l'infanterie sur de nouvelles bases. Les effectifs des régiments furent portés de quatre à cinq bataillons, dont quatre en campagne et un au dépôt, et chaque bataillon vit ses compagnies passer de quatre à six, dont deux au dépôt. Cette transformation qui permit de puiser plus facilement des réserves instruites nécessita une coopération étroite entre le ministère et l'état-major général. Heureusement, Berthier et Clarke s'entendaient fort bien et ne demandaient qu'à travailler ensemble.
Profitant de son séjour à Paris, Napoléon, qui avait de la suite dans les idées, remit sur le tapis la question du mariage de Berthier. Il espérait en cette occasion le voir mettre un terme à sa liaison avec la marquise, mais il se trompait complètement.
Le mariage de Berthier se déroula un peu comme une comédie de Molière. Dans un premier temps, le maréchal persista à ne rien vouloir entendre malgré les pressions de Napoléon. Ce fut la marquise qui finit par lui faire comprendre qu'il était bien forcé de se soumettre aux désirs de l'empereur. Et, comme elle l'assura que cette union n'altérerait en rien les liens qui les attachaient, il finit par accepter, à demi consolé à l'idée de ne pas perdre sa chère Giuseppa. Restait à trouver la fiancée. Napoléon, après s'être arrêté un instant sur Fanny Dillon, une cousine de Joséphine, ce qui eût fait entrer Alexandre dans la famille impériale, porta son choix sur deux princesses allemandes : la princesse Amélie de Leyen, dont le père était un des souverains de la Confédération du Rhin, et la princesse Élisabeth de Bavière, fille du duc Guillaume en Bavière et de la soeur du roi. Ce fut cette dernière qui fut choisie par Napoléon pour des raisons purement politiques. En fait, d'autres considérations étaient entrées en jeu. Un peu manipulé par l'impératrice qui, elle-même, répondait aux suggestions de la marquise, Napoléon avait désigné sans le savoir la Bavaroise parce qu'elle passait, à raison, pour ne pas être particulièrement jolie.
Tout de même, elle appartenait à la famille des Wittelsbach, une des plus grandes et illustres d'Allemagne. En 1808, son père ne pouvait se résoudre à avoir perdu le duché de Berg que le roi de Bavière, son beau-frère, avait cédé à Napoléon au profit de Murat. Aussi décida-t-il d'aller porter ses doléances à l'empereur qui se souciait fort peu des intérêts du duc. Il le reçut néanmoins, mais ce fut pour lui annoncer qu'il donnait sa fille en mariage à Berthier. Stupeur du visiteur qui mesurant toute l'importance du parti se hâta de remercier ! Napoléon écrivit personnellement au roi de Bavière, son allié, pour le lui annoncer et, dès lors, il n'était plus possible de reculer. Bien sûr, le futur était maréchal de France, grand dignitaire de l'Empire et prince régnant de Neuchâtel, mais elle avait vingt-trois ans et lui, cinquante-cinq ! Trente-deux ans d'écart ne les troublèrent ni l'un ni l'autre même s'il aurait pu être son père. Il épousait un titre et elle une position sociale. Très consciente de pouvoir tenir une place de premier plan à la cour impériale de France, elle échappait à la tutelle de ses parents. Peut-être, après tout, son mari serait-il amoureux de sa jeunesse ? Il semble que personne n'eut la charité ou la cruauté de la mettre au courant de la véritable situation et de lui décrire le rôle de la marquise Visconti. De son côté, Alexandre pouvait dire à sa famille et à ses amis : « C'est une vraie princesse. » Il n'était pas sans éprouver une certaine satisfaction d'une alliance aussi illustre et, dès le départ, entretint d'excellentes relations avec les membres de sa belle-famille.
En raison de leur différence d'âge, tout de même un peu trop flagrante, le mariage fut célébré avec une certaine intimité, le 9 mars 1808. Seuls, les parents proches des futurs étaient présents : ceux d'Alexandre étant son frère César (Léopold était mort l'année précédente) et ses soeurs. Mais les témoins,
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